Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En troisième lieu : quel Gouvernement soucieux de ses intérêts ne voudrait entretenir avec le chef de la catholicité des relations suivies, maintenant qu’il existe en Italie un parti catholique qui compte parmi les plus puissants, et qui aura demain peut-être la majorité ? Il va de soi que le Vatican reste en dehors de l’action de ce parti, qu’il ne perd jamais une occasion d’affirmer son indépendance, et qu’il a toute sorte de raisons, en effet, d’empêcher la confusion de s’établir. Mais quoi ? penseront toujours les gouvernants ; à des catholiques, le Pape n’aura-t-il pas son mot à dire ? Un homme comme don Sturzo, par exemple, lui échappe en tant que secrétaire politique des Populaires ; en tant que prêtre, il dépend de lui. Du jour où l’on a abrogé le non expédié, on a pris une nouvelle route, qu’il faudra bien suivre jusqu’au bout ; et au bout de la route, on trouve l’accord.

Sentiment moins net, qui n’est pas explicitement affirmé, mais qui ne laisse pas d’agir sur certains esprits : avoir comme alliée une Puissance qui voit venir à elle, en humbles pèlerins, des représentants du monde entier ; une Puissance qui envoie de ses représentants dans tout l’univers, qui est présente partout, et, dans quelques endroits, souveraine ; une Puissance qui couvre l’Orient de ses écoles, de ses congrégations, de ses missions. Pour un Gouvernement qui aspire à faire une politique mondiale, quelle tentation ! quel mirage ! Ce n’est pas seulement le Sacré Collège qui a un intérêt majeur à ce que le Pape soit toujours un Italien ! c’est le Gouvernement lui-même.

Voilà pour ceux qui constituaient, jadis, un des deux camps en présence. Pour les catholiques, d’autre part, je crois pouvoir noter plusieurs changements : deux au moins ont leur importance.

L’idée d’un rétablissement possible du pouvoir temporel, non pas même sous sa forme ancienne, qui ne serait plus concevable, mais sous une forme atténuée, intéresse beaucoup moins les esprits. Si on fait exception d’une infime minorité d’intransigeants, elle apparaît comme désuète. On connaissait l’action spirituelle exercée par le Vatican sur le monde : la guerre l’a montrée plus étendue et plus profonde encore qu’on ne pouvait le supposer ; elle l’a pour ainsi dire rafraîchie et ravivée : aujourd’hui, cette action éclate aux yeux, dans sa force et sa continuité. En comparaison, que représente le pouvoir temporel ?