Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y avait pas de feu, explique-t-il, à la cuisine du couvent ; alors il est venu demander à l’hôtesse de lui faire cuire un œuf, qu’il apporte : un œuf, ce sera tout son diner ; un œuf, et un peu d’herbes...

Asseyez-vous, Padre Paolo ; ne faites pas tant de façons entre amis ; prenez une tranche de ce beau jambon rose, buvez un verre de ce vin généreux des châteaux romains. Vous prendrez bien aussi des pâtes, qui sont exquises, ici. Et ce poulet, Padre Paolo, le dédaignerez-vous ? Padre Paolo se défend, accepte, s’assied, boit et mange. Il s’anime ; il tire de dessous sa robe une de ses œuvres, qu’il avait prise, dit-il, par hasard : une madone toute bleue, sur un fond d’or, l’œil est seulement un peu de travers. Il récite des vers, dont il fait valoir les beautés, en les commentant. Il rit.

Mais quelqu’un dérange la fête. Hélas ! on vient chercher Padre Paolo de la part du Prieur. Il est huit heures cinq. Padre Paolo a oublié son œuf, et le règlement. Il sera puni ; il sera condamné à s’agenouiller au milieu de la salle à manger des moines, et le Prieur le regardera sévèrement. Frères lointains de saint François d’Assise, humbles âmes, vous peuplez encore les couvents et les églises ; vous êtes les innocents et les simples ; et plaise à Dieu que nous ne péchions jamais plus que vous !

Je ne me lasserais jamais de contempler le petit monde qui fourmille autour du Vatican, employés, scribes, secrétaires, journalistes. Ils n’ont pas le moins du monde la morgue des employés de nos administrations civiles ; au contraire ; ils sont prêts à l’expansion et à la confidence, possèdent des secrets d’État, et font circuler dans Rome les nouvelles les plus contradictoires, toutes également fondées, à en croire leurs auteurs. — Il paraît, raconte l’un, que le Pape veut aller en Amérique : voilà pourquoi il songe à un rapprochement avec le Quirinal, de façon à sortir librement de Rome. La ligne d’Ostie ne passe pas bien loin des jardins du Vatican : une légère extension territoriale, et voilà le Souverain Pontife qui gagne une petite gare qu’on bâtirait tout exprès, qui s’embarque à Ostie, qui débarque à New-York. Un Pape en Amérique, vous voyez l’effet ! — Le cardinal Gasparri a eu hier un entretien personnel avec M. Nitti, souffle cet autre ; ce n’est pas le premier. — Je sais de bonne source, dit un Monsignore, que les pourparlers pour ramener vers Rome l’Église russe ont fait des progrès décisifs.