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si on veut en trouver une collection entière, il suffit de lire un livre qui porte un titre célèbre, le Misogallo, et qui est signé d’un nom illustre, Alfieri. Des lettrés, des professeurs, attaquent notre science, notre culture, notre langue, avec une fureur presque maladive : consolons-nous, ils n’arriveront jamais à être aussi grossiers, quoi qu’ils fassent, que leurs ancêtres du dix-huitième siècle. On remonterait ainsi le cours des siècles, qu’on y retrouverait toujours la même querelle, dont celle-ci n’est qu’une des phases. Le moment est mauvais : il y en a eu de pires. Ils ont passé : celui-ci passera. Il semble même, — est-ce parce que je le désire ? — qu’on entrevoit, dans un ciel déjà moins troublé, des signes d’apaisement.

Mais tandis que je me tiens ces discours philosophiques, et que je fortifie la raison par l’histoire, je n’en ai pas moins de tristesse. Il y a eu autre chose, cette fois, qu’un des jeux alternés de la politique ; il y a eu contre nous une conspiration des cœurs. Je me rappellerai longtemps cet ami délicat, chez qui j’allais l’autre jour, l’âme en joie, et qui, comme je lui demandais un livre, me répondit : « Prenez aussi la statistique des morts de la guerre, de notre guerre : on n’a pas l’air de la connaître en France. » J’ai trop souffert de sentir ces piqûres, de voir ces mines revêches, de saisir ces regards soupçonneux, pour que je me sente si facilement consolé. J’ai le sentiment d’une injustice à notre égard ; car si nous avons commis des fautes, elles sont hors de proportion avec le traitement qu’on nous inflige. Et surtout, j’ai de l’amertume à penser que ces belles fleurs d’estime et d’amitié, qui auraient dû être sacrées puisqu’elles avaient poussé sur les champs de bataille, se sont fanées si tôt,

Ainsi je ne puis rester impassible ; aussi longtemps que je n’habiterai pas Sirius, les considérations historiques sur les vicissitudes de nos deux pays ne me contenteront pas. Je serais capable de les contempler sans m’émouvoir, que je ne le voudrais pas davantage : je tiens, au contraire, à prendre parti. Entre les deux images opposées qui symbolisent l’attitude de l’Italie à l’égard de la France, mon choix est fait ; je ne changerai plus.

L’une des deux est récente ; elle date exactement du 23 septembre 4021. Une mission militaire italienne, sur l’invitation officielle du Gouvernement français, est venue rendre hommage