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grand nombre, de Dante à Carducci. En tout cas. la guerre a exaspéré ce sentiment. Pendant une longue suite d’années, il n’y a guère eu d’autre maxime politique en Italie que le laisser faire ; et l’on ne s’en trouvait pas trop mal, puisque les choses finissaient toujours pas s’arranger comme d’elles-mêmes. Mais au moment de la tourmente, et davantage encore après qu’elle fut passée, on s’aperçut que l’autorité s’en était allée, et puis le sens même de l’autorité. Dans la lutte des partis, plus de frein ; chacun cherche à s’imposer par la force. Si ceux qui veulent rétablir l’ordre procèdent à coups de trique et de revolver, que penser des autres ? Il est vrai qu’ils procédaient à coups de bombes. Les plus tranquilles se sont aperçu que, pour obtenir quelque chose, il fallait crier, menacer, tempêter. Ils ont naturellement adopté cette méthode, puisqu’elle était la seule qui leur fût laissée. Et par une pente non moins naturelle, ils se sont mis à l’appliquer aussi à la politique extérieure : ce qui ne va pas sans quelques inconvénients. Non pas, certes, ceux qui sont au pouvoir : harcelés par leurs adversaires et par leurs partisans, et obligés de tenir compte des réalités qui échappent à la foule, ceux-là sont bien embarrassés pour agir, et bornent leur ambition à se tirer d’affaire du mieux qu’ils peuvent. Non pas les sages de la nation. Mais les autres se laissent volontiers séduire par l’attrait de l’aventure, et par le plaisir de la violence. On en a vu d’illustres exemples.

L’étranger, qui n’a pas toujours occasion de ne fréquenter que les sages, qui écoute l’homme dans la rue, qui lit le Phare ou l’Informateur de l’endroit, est stupéfait. Il se demande à quoi riment ces défis, ces menaces. S’il parle avec un Italien qui se pique de connaître les affaires de l’Europe, celui-ci le traite comme un juge irrité, qui interroge un accusé soupçonné de crime. Que pensez-vous de l’Italie ? Pourquoi votre pays ne rend-il pas justice à l’Italie ? D’où vient qu’en telle circonstance, à telle date, tel de vos ministres a prononcé tel mot ? — L’infortuné, sur qui l’on fait peser tant de responsabilités redoutables, se sent confondu. Or ce ton de violence est simplement la mode du jour. C’est ainsi qu’on se parle entre fascistes et socialistes, entre socialistes et communistes, entre populaires et libéraux. Peut-on imaginer rien de plus impérieux, rien de plus exalté, rien de plus surprenant pour un observateur désintéressé, que le ton habituel d’un journal fasciste ? Ce qui est