Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SUR
LES CHEMINS DE L’ALBANIE


PREMIERS CONTACTS : DURAZZO


Terre que je découvre et que je crois revoir...


Penchés à l’avant du navire, dans le rougeoiement de l’aube, nous l’avons vue venir à nous, l’Albanie. La longue silhouette des montagnes bleues se précisait sur un ciel de plus en plus vif, tandis que la lune, à l’Occident, tombait dans la mer comme une fleur fanée, comme cette claire nuit d’août déjà finie, qui semblait bue par l’étendue des eaux,

Aride, escarpée, désertique, une chaîne de calcaire surplombe le rivage comme une forteresse démesurée qui défend les terres invisibles. Une seule fois, elle s’interrompt pour laisser paraître une ville, serrée dans ses vieilles murailles, bloc doré sans arbres, soutenue par des roches, où des grottes profondes mettent les uniques points d’ombre : Dulcigno, qui fut terre albanaise et arrachée à l’Albanie. Une vallée se déploie ; des minarets en arrière ont rayé l’écharpe grise d’un bois d’oliviers.

Aussitôt recommence la succession des croupes pelées où s’accrochent à peine quelques broussailles semblables à un lichen obstiné. Et lorsque le navire s’éloigne de la côte, on voit se lever, au-dessus de cette première marche, d’autres chaînes, d’un blanc plus sec et plus léger que le blanc de la neige, un entassement infini de rochers.