pas sévèrement à Houdon d’avoir marqué sur les figures de Mirabeau et de Glück les cicatrices de la petite vérole et manqué par là aux lois essentielles du Beau idéal ?... Quand il modela son propre buste, les yeux levés au ciel, cherchant l’inspiration et contemplant l’absolu, Canova fut beaucoup moins persuasif que lorsqu’il s’était peint, à son chevalet, le pinceau à la main, dans la vérité familière de sa simple ressemblance. D’une façon générale, dans tous les portraits qu’il nous a laissés, bustes et statues, — qu’il s’agisse de Cicognara, de Murat, de Giuseppe Botti, même de son cher Volpato ou de Napoléon, — la préoccupation de l’antique a nui à l’expression directe de la vie et de la personnalité. Il arrive pourtant que la nature toute simple l’emporte sur les exigences du style. Le Pie VI agenouillé à l’entrée de la confession de Saint-Pierre est une émouvante figure ; même le sénateur Alisse Valeresso, si bizarrement (on peut dire ridiculement) transformé en Esculape (Museo civico de Padoue) érige sur un torse académique une bonne grosse tête ronde, joviale, fort étonnée de voir accoutré de la sorte son personnage habituel.
Le buste de Clément XIII conservé à Possagno, — quoiqu’il n’eut pas eu pour le faire le secours de la présence réelle, — reste un des plus vivants portraits qu’il ait laissés. La statue elle-même, — agenouillée dans une oraison fervente qui s’exhale des grosses lèvres entr’ouvertes, incline dans une génuflexion d’un mouvement si vrai, si naturel, si religieux toute la corpulente personne du pontife, — soutient sans en être écrasée les plus illustres et redoutables voisinages. A ses pieds, la Religion debout et le Génie de la mort, bel éphèbe langoureux en qui revit la grâce morbide des hermaphrodites païens, appuyé sur sa torche renversée, veillent de chaque côté du sarcophage. La préoccupation du style, de la composition, l’effort vers l’expression concertée, mais surveillée par la pédagogie de l’Ecole, s’y font plus laborieusement et moins efficacement sentir. Et c’est à la statue du Pape et aux deux magnifiques lions accroupis de chaque côté de la porte à laquelle le sarcophage sert de linteau (Bernin avait eu à s’adapter lui aussi, pour la composition de ses tombeaux, à ces exigences un peu gênantes de l’emplacement imposé) que vont décidément l’attention et l’admiration de la postérité. Le pape Pie VI, qui avait été l’intime ami de Clément XIII, resta longtemps en contemplation devant cette statue :