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peu à peu ; en 1871, il atteint le Pacifique par l’adjonction de la Colombie britannique. L’Amérique anglaise du Nord touche dès lors l’un et l’autre Océans : elle est capable de poursuivre des destinées indépendantes, Etat puissant par elle-même, zone d’étape entre l’Europe et l’Extrême-Orient, dès que sera livré, en 1886, son premier chemin de fer transcontinental.

Dans la nation nouvelle, les Canadiens français n’ont point abdiqué. La constitution de 1867 précise que, dans le Parlement fédéral, la représentation de Québec, perpétuellement fixée à 65 membres, servira de base au calcul de la représentation, proportionnelle au nombre des habitants, des autres provinces du Dominion. Pendant quinze ans, de 1896 à 1911, le premier ministre fédéral fut un Canadien français, descendant de paysans de Saintonge, sir Wilfrid Laurier ; tous honoraient là-bas ce patriarche éloquent de la Confédération, qui avait acquis une autorité de Great old man à Londres même, dans les milieux dirigeants de l’Empire. Aujourd’hui, la population totale du Canada dépasse 9 millions d’habitants, dont 2 350 000 pour la province de Québec ; il faut compter au moins 4 millions de Canadiens français, entre ceux de Québec, des autres provinces du Dominion et du Nord-Est des Etats-Unis. Québec a 120 000 habitants, Montréal pas loin d’un million. Agriculteurs par hérédité, praticiens experts des méthodes rurales les plus modernes, les Canadiens français se sentent une force nationale et tout régime politique doit compter avec eux.

Sans doute, à côté des Canadiens anglais, les jugera-t-on animés de sentiments moins impériaux et plus étroitement attachés à des ambitions en quelque mesure « régionales. » Dans la dernière guerre, tandis que les Canadiens anglais se soumettaient résolument à toutes les charges de la crise, à la conscription, par exemple, les Canadiens français se recrutaient nombreux, mais par engagements volontaires, et parce qu’on se battait en France. Dans l’ensemble, le Dominion a fourni 600 000 mobilisés, dont 56 000 sont morts ; le 22e Canadien, composé en majeure partie de Français de Québec, s’est couvert de gloire à la crête de Vimy et, dernièrement, nommait Foch colonel honoraire. Quelles que fussent, en définitive, leurs inspirations personnelles, les soldats du Canada se sont magnifiquement comportés au feu ; nous n’oublierons pas d’autre part que plus d’un demi-milliard de francs en dons de toute