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SOUVENIRS
D’UN OFFICIER
DE LA GRANDE ARMÉE
PUBLIÉS PAR MAURICE BARRÉS, SON PETIT-FILS [1]

I
D’AUSTERLITZ À FRIEDLAND

Un arrêté des Consuls du 21 mars 1804 (30 ventôse an XII) créa un corps de Vélites, pour faire partie de la Garde consulaire, et être attaché aux Chasseurs et Grenadiers à pied de cette troupe d’élite. Deux bataillons, de huit cents hommes chaque, devaient être formés, l’un à Écouen, sous le nom de Chasseurs vélites, et l’autre à Fontainebleau, sous celui de Grenadiers vélites. Pour y être admis, il fallait posséder quelque instruction, appartenir à une famille honorable, avoir cinq pieds deux pouces au moins, être âgé de moins de vingt ans, et payer 200 francs de pension. Les promesses d’avancement étaient peu séduisantes, mais les personnes qui connaissaient l’esprit du Gouvernement d’alors, le goût de la guerre chez le chef de l’Etat, le désir qu’avait le premier Consul de rallier toutes les opinions et de s’attacher toutes les familles, pensèrent que c’était une pépinière d’officiers qu’il voulait créer sous ce nom nouveau emprunté aux Romains.

Dans les premiers jours d’avril, mon frère aîné, secrétaire général de la préfecture du département de la Haute-Loire, mort vicaire général de l’archevêque de Bordeaux en 1837, vint dans la famille pour proposer à mon père de me faire entrer dans ce corps privilégié sur lequel il fondait de grandes espérances

  1. Copyright by Maurice Barrès, 1922