Marie-Anne d’Autriche accueillit de France avec la plus flatteuse politesse et les plus grandes démonstrations d’amitié. Et, quand elle lui eut dit que la jeune Reine désirait la voir, celle(ci se confondit en actions de grâces. Après quoi, elle ajouta, non sans intention :
— Convenez d’ailleurs, madame, qu’il était bien étrange que l’ambassadrice de France ne pût voir la nièce du Ro son maître ! Lorsque Votre Majesté arriva en cette Cour. Elle voyait à sa guise l’ambassadrice d’Allemagne et elle avait la liberté de s’entretenir en allemand avec cette dame… Monsieur l’ambassadeur et moi nous ne demandons point autres chose que le même privilège, pour le service et le plus grand avantage de vos deux Majestés !…
Elle insista sur ces derniers mots et les prononça de telle façon que la Reine-mère, déjà pressentie par des intermédiaires, n’eut plus aucune doute sur l’alliance proposée. Elle y acquiesça en paroles couvertes et prudentes, surtout après que l’ambassadrice lui eut fait comprendre que le Roi Très Chrétien était près à la soutenir contre ses ennemis, et cela par son argent autant que par sa politique.
L’accord entre elles deux alla si bon train et chacun y marcha d’un tel cœur que, dès le lendemain, Mme de Villars était mandée au Retiro pour saluer la jeune Reine.
L’ambassadrice, en grand émoi, s’y rendit mystérieusement qu’elle le put. Cette réception n’avait rien d’officiel. C’était une pure faveur, puisque la Reine, qui n’avait pas encore fait son entrée solennelle, ne pouvait recevoir aucun ambassadeur, ni même aucun grand personnages de l’État, Mme de Villars se doutait bien qu’une telle dérogation serait commentée défavorablement par les ministres des autres Puissances, et tout spécialement par celui d’Allemagne. Elle avait aussi étant donné ses projets, les plus sérieux motifs de discrétion. C’est pourquoi elle aurait bien voulu que sa visite au palais passât inaperçue. Elle s’habilla à l’espagnole, se couvrit la tête d’une épaisse mantille et se fit porter au Retiro dans une simple chaise. A cinq heures du soir, en cette fin de décembre, il était déjà nuit close. Peut-être que personne ne la verrait…
Mais on ne trompait point l’œil perçant de la Camarera mayor. Celle-ci, outrée de cette faveur accordée à l’ambassadrice de France et sachant que la Reine-mère l’avait arrachée au Roi,