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Réponse de l’empereur de Russie à l’impératrice Eugénie.

J’ai reçu, Madame, la lettre que Votre Majesté a bien voulu m’adresser. Je comprends et j’apprécie le sentiment qui vous l’a dictée et vous fait oublier vos malheurs pour ne songer qu’à ceux de la France. J’y prends un intérêt sincère et souhaite ardemment qu’une prompte paix vienne y mettre un terme, ainsi qu’aux maux qui en résultent pour toute l’Europe. Je crois que cette paix sera d’autant plus solide qu’elle serait plus équitable et plus modérée. J’ai fait et continuerai à faire tout ce qui dépendra de moi pour contribuer à ce résultat que j’appelle de tous mes vœux.

Je vous remercie de votre bon souvenir et de votre confiance dans mes sentiments.

En vous en renouvelant l’assurance, je suis, Madame, de Votre Majesté le bon frère


ALEXANDRE.

Tsarskoe Selo. 20 octobre 1870.

(Archives de Farnborough.)


1873

Quand Alexandre II vint en Angleterre pour le mariage de sa fille avec le duc d’Edimbourg, Napoléon était mort depuis quelques mois, sa veuve vivait très retirée à Chislehurst et le Prince impérial achevait ses études au collège militaire de Woolwich.

Alexandre fit dire à l’impératrice Eugénie qu’il désirait rendre visite au Prince impérial à Chislehurst. L’Impératrice, encore énervée par la funeste indécision russe de 1870, où un geste du Tsar aurait pu arrêter l’invasion allemande, répondit que son fils était interne à l’Ecole militaire et que le règlement s’opposait à ce qu’elle demandât un congé.

Alexandre, se rappelant avec quelle émotion elle était accourue à l’Elysée après l’attentat de Berezowski, et se souvenant aussi qu’aux fêtes de l’Hôtel de Ville et de Fontainebleau le couple impérial l’avait entouré comme un bouclier vivant contre le poignard des assassins, lui répondit que, si elle consentait à le recevoir, il irait le lendemain vers la fin de la journée lui présenter ses hommages.