très grand prix, qu’elle agrafa elle-même au bras de la jeune femme.
La Camarera vit tout cela de très mauvais œil. Par tous les moyens, il lui fallait empêcher l’alliance de la belle-mère et de la bru. Dans le carrosse des Reines, où elle avait le droit de monter, le nez à la portière, pendant toute la durée du trajet de Torrejon à Madrid, en apparence indifférente à la conversation de ces deux femmes, elle ne cessa de méditer contre elles de sombres desseins.
L’entrée solennelle dans la capitale ne devait avoir lieu qu’un mois et demi plus tard. La municipalité se faisait prier pour consentir les sommes nécessaires aux réjouissances et à la décoration de la ville. C’est à peine si les premiers travaux étaient commencés. D’ailleurs, tout allait si lentement, dans une telle insouciance, un tel assoupissement de routine et de paresse que, peut-être, l’entrée de la jeune Reine en serait différée plus longtemps encore.
En attendant le bon plaisir de ces messieurs du Corps de ville, le Majordome major avait décidé que la Cour séjournerait au Retiro, qui était alors une véritable maison de campagne, aux portes de Madrid.
D’habitude, les souverains y passaient l’été. Le palais avait d’ailleurs été aménagé pour servir de résidence estivale. Or, on était au mois de décembre. Chaque matin, le givre emperlait les herbes sèches des hauts plateaux madrilènes. Les femmes de chambre françaises, qui accompagnaient la Reine, et qui connaissaient maintenant par expérience l’incommodité des maisons espagnoles, s’épouvantaient déjà à la pensée de la gelée qu’il leur faudrait subir dans les chambres hautes de ce grand logis sans feu. Mais la Reine avait eu le temps de s’accoutumer aux frimas castillans dans le carrosse de cuir noir, où elle voyageait avec son lugubre époux. D’ailleurs, brisée par la fatigue de ce long trajet et les émotions de toute sorte qu’elle venait d’éprouver, il lui tardait d’arriver enfin, — de se reposer n’importe où…
Le premier aspect du Retiro, il faut bien l’avouer, n’avait rien de séduisant pour une jeune personne accoutumée aux splendeurs neuves de Versailles et de Saint-Cloud. Cette maison