Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au milieu matériel sensible dans lequel le vase est plongé. Est-ce par rapport à un milieu plus subtil qui remplit tout l’espace ? Newton ne s’est certainement pas posé la question d’autant que sa théorie de l’émission de la lumière ne l’obligeait pas à concevoir l’existence de ce milieu plus subtil, que la physique classique a appelé l’éther. Mais si Newton ne s’est pas posé la question, nous pouvons, nous, et nous devons nous la poser. Est-ce par rapport à l’éther que tourne le vase plein d’eau ? L’expérience de Michelson, et les expériences analogues, montrent que nous n’en pouvons rien savoir, et qu’à cet égard, et comme repère des mouvements, ce milieu est comme s’il n’était pas.

Quel est donc le repère réel, le point, la chose observable qui nous permet, lorsque nous l’observons en même temps que le vase, de dire : je vois que le vase tourne. Lorsqu’on examine cela, et qu’on réfléchit un instant, on voit facilement, comme le remarque Mach, que les points de repère auxquels nous rapportons finalement tous les mouvements de rotation ou autres des objets sensibles sont les étoiles. Les étoiles sont si éloignées de nous que, malgré la vitesse souvent énorme de leurs mouvements propres (et qui atteignent parfois plusieurs centaines de kilomètres par seconde), elles restent pratiquement et pour nous immobiles les unes par rapport aux autres, et qu’il faut des années d’observations astronomiques très délicates pour décider qu’il n’en est pas ainsi.

C’est par rapport aux corps éloignés de l’univers que nous observons finalement le mouvement du vase plein d’eau de l’expérience newtonienne, comme les mouvements de la terre et des planètes,

Si la terre est animée d’une rotation absolue autour de son axe, si elle tourne réellement, absolument, il s’ensuit, selon le raisonnement de Newton, que des forces centrifuges s’y manifestent, qu’elle est aplatie, que l’accélération de la pesanteur diminue à l’équateur, que le plan du pendule de Foucault et que le gyroscope tournent, etc. Tous ces phénomènes, selon Newton, disparaîtraient, si la terre était au repos et si les corps célestes étaient animés d’un mouvement absolu tel que la même rotation relative en résulte, c’est-à-dire si le système de Ptolémée était vrai.

Évidemment, il en serait ainsi, si on prend a priori l’espace absolu pour point de départ. Mais il en est tout autrement, si,