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— Je profère desservir la plus petite église, mais en Albanie.

Il obtint de desservir l’église albanaise de Sofia.

Les Grecs déclarèrent qu’une messe dite en albanais serait impie... Et à trois reprises ils tentèrent de le faire assassiner, avant que fût dite cette première messe et les jours qui suivirent. Par miracle il échappa. Les autorités bulgares durent le protéger.

Ce patriote s’efforce de briser le lien qui unit l’Eglise orthodoxe albanaise à l’Eglise grecque, afin de couper court aux occultes influences politiques.

Il rêve de créer en Albanie une école de popes et de relever le niveau de ce clergé orthodoxe qui doit remplir auprès des paysans un rôle d’éducateur.

Je lui demande s’il considère que la présence de religions différentes soit un mal ou un bien ?

Il répond vivement.

— Heureusement que nous avons les musulmans !

Et il développe sa pensée :

— Ils nous font une concurrence morale...

Cette parole de l’archimandrite, bien souvent nous devions l’évoquer au cours du voyage : « Heureusement que nous avons les musulmans ! » Que de fois nous en avons senti la vérité profonde ! Il semble qu’en vivant côte à côte, « comme des frères, » chrétiens et musulmans se soient mutuellement pénétrés de leurs vertus. Les traditions musulmanes de bonne éducation, le respect pour les parents et les vieillards, la propreté, — les adeptes de Mahomet sont astreints à un lavage rituel plusieurs fois par jour, -— ont gagné les Albanais chrétiens. En retour, la notion chrétienne de la famille a conquis les Albanais musulmans qui sont monogames. Les uns et les autres pratiquent la tolérance la plus exemplaire. Les enfants fréquentent les mêmes écoles. Les instituteurs appartiennent aux différentes confessions. Il arrive que des musulmans épousent des chrétiennes, et les chrétiens des musulmanes. Il arrive que, dans les mêmes familles, il y ait des chrétiens et des musulmans. Et l’on cuit le même gâteau, une moitié à l’huile pour les chrétiens qui observent le jeune, l’autre moitié au beurre pour les musulmans. Gâteau de fête qui devient un symbole...

Il faut dire qu’une grande partie des musulmans albanais