Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CARDÉNIO


DEUXIÈME PARTIE[1]



Dans la maison de l'alcade de Quintanapalla, dans cette pauvre chambre de paysans, où venait d'être célébrée la messe de son mariage, et qu'on avait débarrassée en toute hâte, le Roi, éperdu d'angoisse, fut, deux heures durant, au chevet de la Reine.

L'évanouissement de la jeune souveraine, attribué à la fatigue et aux émotions bien naturelles en un pareil jour, avait peu duré. En l'absence de tout médecin, la nourrice de Sa Majesté, la Quentin, fut mandée d'urgence. Elle proposa l'élixir de sieur Chicoyneau, illustre médecin de la Faculté de Montpellier, qui, déjà, à Saint-Jean de Luz, avait fait merveille. D'abord, la malade refusa d'en boire, puis, sur les instances, les supplications répétées du Roi, elle finit par consentir à en avaler quelques gorgées.

Elle se laissait dorloter par lui, qui, comme une âme en peine, errait par la chambre, à la recherche du verre contenant la potion et que, dans son trouble, il ne voyait pas. Puis les yeux hagards, ses grosses lèvres tremblantes d'on ne savait quel émoi, il revenait se pencher sur l'oreiller de la petite Reine dolente, en balbutiant avec douceur :

Mi Reina ! Mi Reina !… Ma Reine ! Ma Reine !

Il n'osait plus la toucher, pas même lui prendre la main ou le bout des doigts. Depuis qu'il l'avait vu s'écrouler à ses

  1. Voyez la Revue du 15 août.