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Empire, quand il était allé ressusciter, par delà l’Ancien Régime, le moyen-âge guerrier : Duguesclin, Bayard, « le beau Dunois... » C’est la victoire d’hier qui réveille les vieilles victoires endormies. Les ombres glorieuses des Villars et des Catinat, des Turenne et des Vauban ne revivent, un instant, que parce que les Joffre et les Foch les ont rappelées.

Profitons-en pour les interroger. Peut-être un peu de vérité, — cette vérité si difficile à atteindre dans les mouvants et incertains témoignages des hommes, — aura échappé au pinceau mal surveillé d’un artiste. Celui qui se fait peindre et le fait pour la postérité, dicte au peintre son attitude et son costume et, par là nous révèle ingénument comme il veut paraître. En même temps, il oublie de voiler, parce qu’il l’ignore, le trait signalétique de son tempérament : partant, il laisse l’artiste nous dire un peu ce qu’il est. Le masque du maréchal nous révèle donc quelque chose de son tempérament personnel, le costume quelque chose des nécessités ou des fantaisies de son époque, le geste et le fond du tableau, sa prise de possession de la bataille, dont il semble régler les mouvements du bout de son bâton, comme le chef d’un orchestre héroïque et tonitruant. Et l’absence de tout costume, de tout geste, de toute bataille, est aussi, à sa manière, révélatrice... C’est à quoi servent les rétrospectives. Un portrait conservé dans une famille peut être une exception due au génie de l’artiste, le modèle peut être un « aberrant, » et ne dit pas nécessairement toute l’époque. Une époque vue seule est comme une phase d’un geste arrêté par l’instantané : elle ne dit pas le mouvement. Il faut voir avant et après. Il y a des signes qui ne prennent un sens que par leur réunion, et le sens de l’histoire comme celui de la vie humaine elle-même ne se découvre que par le rapprochement continu des différentes phases, — chacune immobilise un instant de raison, — dont elle est composée.


I. — LES ARMETS

Un saisissant exemple nous en est donné par les armures, dont quelques beaux spécimens sont exposés ici, comme, dans des vitrines de muséums, les vestiges d’une humanité disparue. A n’en voir qu’une seule, on augure des périls auxquels cette humanité était exposée et des moyens qu’elle avait inventés