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objectif de purger l’Italie du socialisme révolutionnaire qui, depuis l’échec du mouvement communiste de septembre, était déjà en régression. L’abominable assassinat, par les communistes de Bologne, maîtres de la municipalité, du chef de la minorité constitutionnelle (novembre 1920), et plus tard deux autres crimes du même genre à Turin, déchaînèrent un violent mouvement anti-révolutionnaire dont les fascistes profilèrent et prirent la direction : patrons, commerçants agriculteurs, subventionnèrent le fascisme et, un peu partout, on en vint aux mains, révolutionnaires et fascistes.

Ces derniers, nombreux, bien encadrés, bien armés, organisent de véritables expéditions ; ils partent, en camions automobiles, et vont détruire quelque nid révolutionnaire, mairie socialiste, bureaux de journal, siège syndical, chambre de travail. Mais la violence appelle la violence et le communisme, qui était abattu à la fin de 1920, a retrouvé en 1921 un regain de vitalité. Cette situation paradoxale ne serait sans doute possible qu’en Italie, où la confiance des peuples ne s’est pas encore accoutumée à tout attendre de l’État centralisé, création récente, et où survit la tradition historique des luttes de partis dans les cités et les municipes, guelfes contre gibelins. Le Gouvernement royal obligé, comme le légendaire préfet Caussidière, de « faire de l’ordre avec du désordre, » est loin d’y réussir toujours et c’est l’écho des violences locales qui renverse à Montecitorio les présidents du Conseil. Les ministères, pour durer, doivent avoir l’appui de deux au moins des fractions dominantes à la Chambre et dans le pays : socialistes, populaires (catholiques), fascistes ; et, dans la mêlée) des partis, les groupes plus faibles, conservateurs, démocrates, etc., ont souvent l’occasion d’exercer une influence décisive, d’autant plus que leurs chefs sont des personnalités de marque telles que MM. Giolitti, Salandra, de Nava, Nitti, Orlando, Bonomi. Tel est le mécanisme et telles sont les causes réelles des crises ministérielles.

Aux élections de mai 1921, M. Giolitti, se fiant à sa longue expérience de la cuisine électorale, s’était flatté de réduire à la portion congrue les socialistes et les populaires ; il n’avait réussi à réduire les premiers que de 153 à 123 sièges ; les seconds avaient à peu près gardé leurs positions ; le vieil homme comprit que, depuis ses précédents triomphes, il y avait eu la guerre, et donna sa démission. M. Bonomi, qui lui succéda, ne réussit pas à se dégager de ses attaches avec le fascisme et à imposer l’ordre ; après une crise laborieuse, le cabinet Facta fut constitué en février 1922, avec l’appui des populaires.