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qui fait obstacle à la centralisation, à l’unification et reste attaché à ses traditions locales et à sa petite patrie.

En Italie, au cabinet Facta, qui, constitué le 24 février, avait donné sa démission le 19 juillet, succède, après quinze jours d’essais infructueux, un nouveau cabinet Facta. Pour saisir la signification et la portée d’une telle crise, il faut remonter au lendemain de l’armistice. La grande masse des soldats démobilisés rentrèrent chez eux avec toutes les amertumes accumulées dans leurs cœurs par de longs mois d’une guerre dont ils avaient souffert dans leur chair sans en réaliser pleinement dans leur esprit les grands mobiles nationaux. Animés contre le Gouvernement d’une rancune d’autant plus vive qu’elle était moins précise, ils créèrent, dans les villes et dans les campagnes, une agitation révolutionnaire. Aux élections de 1919, 153 députés socialistes ou socialisants entrèrent à Montecitorio ; la tendance communiste dominait parmi eux ; c’était le temps où les bolchévistes russes n’avaient pas entièrement déçu leurs crédules admirateurs. Le mouvement alla grandissant et se renforçant jusqu’à la crise de septembre 1920, où les révolutionnaires s’emparèrent des usines, chassant les patrons, organisant des Soviets à l’instar de Moscou. M. Giolitti, président du Conseil depuis le 15 juin, confiant dans le sens pratique du peuple italien, laissa sans réagir l’expérience se poursuivre ; elle ne fut pas longue ; les ouvriers, incapables de diriger les rouages délicats des usines dans les conditions difficiles où fonctionnent les industries italiennes, et comprenant que le pain des travailleurs n’est assuré que par les bénéfices de l’entreprise, se hâtèrent de rappeler patrons et ingénieurs et de s’entendre avec eux. Ce fut l’origine d’une sorte de liquidation du communisme : au Congrès socialiste de Livourne (septembre 1920), les modérés l’emportèrent et provoquèrent l’expulsion des communistes qui constituèrent un petit parti indépendant.

C’est alors qu’entra en ligne le fascisme. Les premiers éléments du faisceau (fascio) furent ces compagnies d’arditi qui, constituées sur le front, y donnèrent souvent des exemples d’énergie et parfois aussi d’indiscipline ; après l’armistice, ces arditi constituèrent des ligues, réclamèrent des privilèges qu’ils obtinrent ou qu’ils prirent ; ils s’entraînèrent à Fiume, sous la direction de Gabriele d’Annunzio, au désordre et à la violence, si bien qu’ils demeurèrent, à la surface de l’Italie laborieuse, comme un élément difficile à réassimiler dans les cadres sociaux. En élargissant leur organisation, M. Mussolini, ancien directeur du Popolo d’Italia, constitua les fasci, auxquels il donna pour