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besoin, les défendre seul. Son récent échange de lettres avec le Reich au sujet des paiements au compte des compensations nous est un sûr garant que les affirmations allemandes ne le trouveront ni crédule, ni faible, ni non plus intransigeant. Le Gouvernement allemand ayant, en même temps qu’il demandait un moratorium pour les réparations, fait connaître qu’il ne lui était plus possible de subvenir aux versements mensuels au titre des compensations, l’Office des biens et intérêts privés lui répondit, le 26 juillet, qu’il ne pouvait admettre ses raisons. Le 1er août, le chargé d’affaires d’Allemagne remit à M. Poincaré une nouvelle lettre où il s’efforçait d’assimiler les paiements des compensations aux paiements des réparations. Le même jour, M. Poincaré répliquait en exigeant qu’avant le 5 août à midi, les Allemands donnassent l’assurance que l’arrangement du 10 juin 1922 serait appliqué et qu’ils paieraient, notamment, le 15 août, la somme forfaitaire de 2 millions de livres qu’ils se sont engagés à verser chaque mois. Le 5 août, le Gouvernement allemand n’ayant donné qu’une réponse dilatoire, M. Poincaré fit immédiatement connaître les « mesures de rétorsion » qu’il se voyait obligé de prendre ; ces sanctions, au nombre de cinq, visent des intérêts privés allemands. La politique allemande de résistance se fera ainsi aux dépens des citoyens allemands.

Le différend entre le Gouvernement du Reich et le Gouvernement bavarois au sujet de l’application en Bavière des lois de police et de sûreté générale votées par le Reichstag et le Reichsrat, a pris un caractère aigu. Le comte Lerchenfeld, président du Conseil bavarois, a déclaré que la Bavière garderait sa police et sa justice indépendantes du Reich. Malgré le caractère conciliant du président Ebert et les concessions de fait, sinon de droit, accordées à la Bavière, l’accord n’est pas encore fait. La résistance bavaroise est moins, sous sa forme actuelle, une lutte nationale pour le particularisme, qu’une lutte de partis. Les Bavarois sont, pour la plupart, monarchistes et conservateurs ; c’est chez eux que les plus hautes personnalités de l’ancien Gouvernement impérial et militariste, telles que Ludendorff, ont établi leur quartier général ; leur influence n’est pas étrangère aux résistances bavaroises et à l’approbation tacite que les assassins de Rathenau trouvent sur le sol de la Bavière. Personne, à Munich pas plus qu’ailleurs, ne songe à « mettra l’Allemagne en morceaux » ; il n’en est pas moins vrai que de tels incidents réveillent dans les esprits un particularisme historique et traditionnel qui ne conçoit plus l’idée d’une complète indépendance politique, mais