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réactionnaire ou communiste, c’est alors qu’il y aurait lieu de la contraindre à payer et que nous serions en droit de compter, pour y réussir, sur la coopération loyale de l’Angleterre. Les réparations gênent l’Angleterre : voilà la vérité toute nue. Si M. Lloyd George l’osait, il les jetterait par-dessus bord comme l’y engage la Social-Démocratie Federation. La conclusion du discours du Premier ne pèche pas par excès d’optimisme ; « je ne crois pas que nous réglerons la difficulté dans la conférence de lundi prochain. » S’il veut dire que les résolutions qui vont être prises n’épuiseront pas le problème, il a raison ; il est au contraire trop pessimiste s’il ne croit pas qu’un progrès important puisse être réalisé. Il y a, dans son discours, un mot excellent qu’il convient de retenir : « Nous serons sur un pied d’égalité. Ce sera une assemblée de créanciers d’une entreprise qui déclare que, pour le moment, elle ne peut payer. » Que fait-on dans ce cas ? On n’accorde un moratorium au créancier, — surtout si, comme c’est le cas, sa banqueroute est frauduleuse, — qu’en lui imposant un concordat, un syndic de faillite chargé de la liquidation de l’actif et de la gestion des gages. L’octroi d’un moratorium à l’Allemagne doit avoir pour contre-partie l’établissement d’un contrôle complet sur toute sa vie financière et économique. La Commission des réparations a montré, le 3 août, en ajournant, par 3 voix contre une, la proposition du délégué britannique, que telle est sa conception. L’article de l’état des paiements du 5 mai 1921, qui déclare qu’aucune atteinte ne sera portée à la souveraineté de l’Allemagne, devrait être ou tenu pour non avenu ou largement interprété, puisque c’est d’abord dans l’intérêt de l’Allemagne qu’il est indispensable de prendre en mains la gestion de ses finances. C’est à une reconstruction générale qu’il est temps de procéder. Si un moratorium est accordé à l’Allemagne, il serait naturel et bienfaisant de l’étendre à toutes les dettes, à celles des vaincus comme à celles des alliés. Le mark allemand, comme la couronne autrichienne, comme le mark polonais, et d’autres encore, ne peuvent plus être renfloués ; le mieux est de les annuler et d’émettre une monnaie nouvelle gagée sur des ressources réelles. C’est toute une œuvre de longue haleine à entreprendre au bout de laquelle on entrevoit la guérison de l’Europe.

C’est un programme de ce genre, largement conçu, que M. Poincaré soumet à Londres à ses pairs. Il a le droit, étant de beaucoup le plus intéressé, d’espérer que ses avis seront pris en considération ; si les intérêts de la France étaient sacrifiés, il devrait, au