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des frets et par la vente de leurs charbons à des prix exorbitants ; il ne veut pas leur faire de cadeau. Presque toute la presse des États-Unis accueille la note Balfour comme une maladresse. « Si elle représente le point de vue définitif de la Grande-Bretagne, déclare le South, il n’existe aucun espoir de régler la situation européenne. La situation de la France empirera encore, et puisque l’Angleterre dépend des marchés européens, elle en devra subir les conséquences. » L’oncle Sam sait ce qu’il veut faire et n’aime pas qu’on ait l’air de lui dicter son devoir, surtout quand c’est son cousin d’Angleterre qui prend ce soin superflu.

Mais est-ce bien là l’objet réel de la note Balfour ? N’est-elle pas plutôt, à la veille de l’arrivée de M. Poincaré à Londres, une manière élégante de lui faire entendre qu’en raison de l’abstention de l’Amérique, toute négociation est vaine et destinée à se traîner dans les redites ? De toute façon il n’apparaît pas que, dans les embarras où s’empêtre la politique européenne, elle soit de nature à apporter la lumière. Elle a du moins le mérite de poser en bons termes le problème sous son vrai jour : règlement général des dettes. Le débat qui, le 3 août, a amené le chancelier de l’Échiquier et le Premier lui-même à s’expliquer sur les mêmes questions n’a pas dissipé l’obscurité, s’il ne l’a pas accrue. Sir Robert Horne reconnaît bien que l’Allemagne a été, dans une certaine mesure, l’artisan des difficultés financières dans lesquelles elle se débat non sans goûter la secrète satisfaction de leurrer des créanciers qui sont ses vainqueurs. Il affirme qu’il « faut lui accorder un répit, un moratorium quelconque. Je n’ai, dit-il, aucun doute qu’elle veuille payer, et personne ne désire voir l’Allemagne s’en aller à la dérive par suite d’une pression trop vigoureuse de la part des Alliés. » L’optimisme de Sir Robert Horne, s’il n’est pas de commande, ne laisse pas que d’être déconcertant ! Est-ce bien là le langage qu’il faut tenir à l’Allemagne ?

M. Lloyd George lui aussi est pour la méthode d’apprivoisement : « Si les Alliés exercent sur l’Allemagne une pression trop forte, il se pourrait qu’ils n’obtiennent rien d’elle. Autre danger : l’Allemagne, exaspérée, pourrait se jeter dans les bras des réactionnaires ou des communistes. Si cela arrivait, il n’y aurait plus de réparations. » La désinvolture avec laquelle M. Lloyd George admet que, dans certains cas, « il n’y aurait plus de réparations, » est vraiment stupéfiante. Les réparations dépendent-elles donc du Gouvernement qu’il plaira à l’Allemagne de se donner ? Si elle devenait