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Un récent article de la National Review affirme, — et nous sommes de son avis, — que la grande majorité de la nation anglaise n’approuve pas les procédés de son Gouvernement et déplore l’indulgence excessive qui le porte à tenir pour valables toutes les raisons ou les prétextes qu’invoque l’Allemagne pour ne pas payer, tandis qu’il ne manque guère, sous les plus innocentes démarches du cabinet de Paris, de soupçonner de noirs desseins. « Nous avons conscience, écrit la National Review, que les divergences anglo-françaises ne viennent pas de la France, » et elle nous conseille d’agir selon nos intérêts sans chercher « des compromis pour les soi-disant intérêts de l’Entente qui, dans la question allemande, a tout à gagner à une direction ferme venant de la France. » Mais M. Garvin, dans son Observer, est toujours hanté par le spectre de « l’hégémonie française ! » Des intérêts très positifs se cachent sous les prétextes spécieux que le Gouvernement britannique invoque pour se faire l’avocat d’office de l’Allemagne dans la question des réparations. La finance anglaise est fortement engagée dans les affaires allemandes ; la spéculation a acheté du mark ; le Gouvernement cherche à sauver la mise de ses nationaux. Les banques anglaises sont créancières de l’Allemagne ; on affirme, dans les milieux financiers de Berlin, que 95 pour 100 des rentes allemandes 3 pour 100 antérieures à la guerre seraient entre les mains des financiers du Royaume-Uni. On comprend que la chute du mark les alarme ! Mais pensent-ils qu’elle nous réjouit ? Et croient-ils prendre le meilleur moyen de le relever ?

La note du Foreign Office remise le 1er août à l’ambassadeur de France frappe dès l’abord par sa rédaction claire, son ton élevé et grave, tel qu’il sied au philosophe et à l’homme d’État qui l’a signée, le comte de Balfour. Le Gouvernement britannique « se voit aujourd’hui contraint » de soumettre au Gouvernement français ses vues sur la situation que crée l’état présent des dettes internationales. Les sommes dues à la Grande-Bretagne s’élèvent à 3 400 000 000 de livres sterling ; elle est elle-même débitrice des États-Unis pour 850 000 000 de livres. Elle serait disposée à faire remise à ses alliés de leurs dettes, et à l’Allemagne de sa part des réparations, pourvu cependant qu’une telle concession fît partie d’un plan d’ensemble de règlement international des dettes et que l’Angleterre cessât d’être débitrice en même temps qu’elle cesserait d’être créancière. Tout dépend donc en définitive des États-Unis qui, seuls, ont le privilège de ne connaître que des débiteurs. Or les États-Unis ont déclaré