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Chronique 14 août 1922


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

À l’heure où nous écrivons, M. Poincaré est à Londres ; il y est arrivé le 6 août, accompagné de M. de Lasteyrie, pour s’entretenir avec les ministres britanniques ; M. Schanzer pour l’Italie, MM. Theunis et Jaspar pour la Belgique, l’ambassadeur du Japon, prennent part aux conversations dont le sujet général est l’éternelle question des réparations, compliquée par la chute du mark et embrouillée par le problème des dettes interalliées. Jamais l’urgent besoin d’une solution n’a été plus aigu, jamais non plus les difficultés n’ont été plus graves.

Il y a quelques semaines, M. Lloyd George semblait pressé d’aboutir : la méthode de M. Poincaré était lente au gré de son impatience. Mais à peine le Président du Conseil français lui eut-il fait annoncer, par son ambassadeur, qu’il était prêt à venir à Londres dès le 1er ou le 2 août, que le Premier britannique ne parut plus préoccupé que d’ajourner l’entretien. L’explication de ces atermoiements, les événements nous l’ont apportée. Il fallait prendre le temps de manœuvrer, modifier les données du problème en faisant intervenir la dette française à l’égard de l’Angleterre, agiter la question d’Orient ; toute une tactique d’intimidation fut mise en œuvre autour de M. Poincaré : note Balfour, proposition de sir John Bradbury à la Commission des réparations, discours de M. Lloyd George sur les réparations, discours sur l’Orient, enfin, au moment où M. Poincaré allait s’embarquer, informations officieuses, dans la presse, sur le point de vue britannique dans la question du moratorium. Tels sont les procédés dont le Gouvernement britannique d’aujourd’hui est coutumier ; avant le contact, il cherche à brûler les vaisseaux de l’adversaire, même si l’adversaire est l’allié d’hier. M. Poincaré, partant pour Londres, n’en semblait pas ému ; mais la presse allemande et le Gouvernement du Reich en paraissent réconfortés.