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avons eu, d’ailleurs, la preuve multipliée dans les travaux récents qu’on a faits à l’Observatoire de Paris et, notamment, dans les photographies de la lune, uniques au monde, — étant donné les moyens instrumentaux employés, — qu’on y a obtenues.

« S’il est vrai que, depuis peu de temps, la production scientifique de l’Observatoire se soit un peu ralentie, ce n’est pas dans l’atmosphère parisienne qu’il faut en rechercher la cause.

« Je sais qu’on a demandé des millions, 24 millions je crois, au budget pour transférer l’Observatoire ailleurs. Eh bien ! il y a là une belle occasion de faire des économies, car j’estime, avec beaucoup de mes collègues, que l’intérêt de la science ne nécessite nullement cette dépense somptuaire. Si on veut dépenser de l’argent pour l’astronomie française, ce n’est pas en bâtiments ou en installations dispendieuses qu’il faut l’employer. Elle ne manque ni de bâtiments bien situés, ni de bons instruments inutilisés. »

Telle est l’opinion de M. Bigourdan. Après elle, on pourrait, comme on dit, tirer l’échelle. Mais la vérité est parfois si empêtrée, lorsqu’elle sort de son puits, que le nombre n’est jamais trop grand de ceux qui viennent lui prêter main forte pour franchir la dangereuse margelle, sans dégâts pour son précieux miroir.

J’ai donc demandé à un autre astronome de l’Observatoire, M. Giacobini, afin de le mettre ici sous vos yeux, son sentiment sur la question soulevée.

Vous connaissez certainement, monsieur le ministre, M. Giacobini, qui est un des plus renommés parmi vos subordonnés, les astronomes de l’Observatoire de Paris. Vous savez qu’il est célèbre dans le monde entier par ses travaux et surtout par la découverte de douze comètes qui portent son nom.

Il était d’autant plus intéressant de connaître là-dessus l’avis de M. Giacobini que celui-ci a observé des myriades d’astres, d’abord pendant dix-huit ans à l’Observatoire de Nice, sous le beau ciel de la Provence, puis depuis quatorze ans à l’Observatoire de Paris, ce qui lui permet de comparer les conditions d’observation en ces divers endroits. Voici ce que nous a dit le savant qu’on a appelé à cause de ses découvertes le « furet des comètes : »

— Je suis désolé d’avoir à me mettre en contradiction avec mon directeur, M. Baillaud, pour qui j’ai la plus profonde déférence, mais je dois à la vérité de déclarer que je suis entièrement de l’opinion de M. Bigourdan dans la question soulevée. Mon expérience, hélas ! déjà longue, m’a nettement prouvé que le ciel de l’Observatoire de Paris