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opposé les unes aux autres les conceptions de M. Baillaud et celles de M. Bigourdan ?

Ce n’est ni plus ni moins qu’une déclaration de M. Baillaud parue il y a quelques semaines dans un grand journal du soir, et qui disait : « La salle des pendules de l’Observatoire est soumise à des trépidations et vibrations incompatibles avec la marche régulière des pendules… Pour cela, de même que pour les observations astronomiques, il importe de transférer l’Observatoire à 20 ou 30 kilomètres de Paris. »

Ces déclarations inopinées portaient soudain sur l’agora la question du transfert de l’Observatoire. Était-ce un bien ou un mal ? Je n’en discuterai pas, quoique j’incline à penser qu’en presque toute matière, mais assurément en matière de science, trop de lumière et trop de discussion valent mieux que pas de lumière du tout ni de discussion. Quoi qu’il en puisse être, un grand journal du soir avait attaché le grelot. Vous savez, monsieur le ministre, que lorsqu’un grand journal du soir a soulevé un problème, les grands journaux du matin n’ont rien de plus pressé que de le vouloir résoudre. C’est leur faiblesse… et leur force. Donc, l’un de ceux-ci ayant lu la déclaration de M. Baillaud, et sachant d’autre pari qu’il y a à l’Observatoire un « maître de l’heure, » M. Bigourdan, directeur du Bureau international de l’heure, et savant d’une compétence sans égal dans la question soulevée, dépêcha un rédacteur à M. Bigourdan. Bien que généralement rebelle à l’interview, celui-ci ne crut pas pouvoir se refuser à donner son avis technique sur une question technique de son ressort soulevée dans la presse. Il donna son avis et je vous demande la permission de le résumer :

« J’hésite, a dit M. Bigourdan au reporter ravi de l’aubaine, à croire à l’authenticité des déclarations dont vous me parlez.

« L’heure, telle qu’on la détermine au moyen des observations astronomiques, est conservée grâce à quatre pendules de haute précision (dont une sert de pendule directrice) et qui sont à l’Observatoire dans une cave placée à vingt-sept mètres de profondeur. Tout le monde sait que ces pendules sont ainsi complètement à l’abri des trépidations et vibrations du sol parisien, qui n’ont absolument aucune influence sur elles. Quant à la transmission même de cette heure, elle se fait au moyen d’appareils placés plus près du sol et reliés directement à l’antenne de la tour Eiffel. Il est évident qu’ici non plus les vibrations et trépidations n’ont aucune influence, car jamais de tels ébranlements mécaniques n’ont eu d’action sur la transmission électrique d’une dépêche.