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pour la science française, sans qu’un seul astronome, sans qu’un seul homme compétent eût été consulté ; vous n’eussiez pas manqué de renvoyer les dossiers qu’on vous eût apportés, à vos services en demandant, comme l’avait fait Duruy, qu’une enquête large fût d’abord ouverte auprès des astronomes, et que l’Académie des Sciences, gardienne vigilante et avertie de notre renommée scientifique, fût consultée. On n’en a rien fait : cela a causé une émotion douloureuse chez les astronomes de l’Observatoire dont plusieurs sont des savants illustres arrivés au faîte de tous les honneurs académiques, et chargés de plus de découvertes encore que d’honneurs, de plus d’honneur que d’honneurs. C’est de cette émotion si légitime et si profonde que je vous demande d’abord la permission de vous faire part ici.

Donc, depuis 1911, la question du transfert de l’Observatoire a été l’objet de rapports et de tractations administratives sans qu’un seul astronome, sans que l’Académie des Sciences ou le Bureau des Longitudes, non seulement aient été appelés à donner leur avis, mais aient même connu (autrement que par des indiscrétions) qu’il en était question.

Lorsque vous le saurez, monsieur le ministre, par ces lignes que j’écris ici avec le sentiment de mon devoir, je suis sûr que votre étonnement en sera plus grand encore que votre tristesse.

Donc, pendant dix ans, nous n’avons rien su de ce qu’on voulait faire de notre Observatoire ni des raisons pour lesquelles on voulait le faire. Il y a un an (dix ans après que l’administration avait commencé à s’occuper de la question), chacun des astronomes a reçu un exemplaire d’un « Rapport adressé au Conseil de l’Observatoire dans sa séance du 3 mars 1921 sur la nécessité de la création d’une succursale de l’Observatoire en dehors de la Ville, par M. B. Baillaud, directeur de l’Observatoire. »

C’est ce document, — le premier et seul document officiel communiqué sur ce projet aux astronomes, sans d’ailleurs que leur avis ait été sollicité, — qui servira de base à la très brève discussion technique que je me risquerai à faire tout à l’heure. Mais n’anticipons pas…

Comment donc la presse a-t-elle été amenée à s’occuper de la question ? Qu’est-ce qui a pu agiter les télescopes et en tirer tant de bruit que le public s’est demandé s’ils ne s’étaient pas mués en canons ? Qu’est-ce qui a amené la discussion, très vive dans sa courtoisie, à laquelle je faisais allusion au début de ces pages et qui a vivement