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je pense, quelques échos lorsque, il y a peu, la presse, à des millions d’exemplaires, publia des déclarations aussi catégoriques que contradictoires de deux des plus hautes autorités administratives ou scientifiques de l’Observatoire de Paris : M. Baillaud, directeur de l’Observatoire, M. Bigourdan, astronome audit établissement et directeur du Bureau international de l’heure, tous deux membres de l’Académie des Sciences et du Bureau des Longitudes, tous deux universellement renommés pour leurs hautes fonctions ou leurs travaux scientifiques.

De quoi s’agit-il donc, qui puisse créer une polémique aussi vive entre astronomes, c’est-à-dire entre personnages qui doivent nécessairement participer un peu de la sérénité des espaces célestes ?

Il s’agit de la question de savoir s’il est ou non opportun et utile à la science de transférer ailleurs notre Observatoire national.

Je vous demande respectueusement de bien vouloir, monsieur le ministre, jeter un coup d’œil sur l’exposé succinct que je voudrais faire ici de ce problème. Je ne relaterai que des faits, dont certains peut-être n’ont pas encore été mis sous vos yeux, et qui apporteront peut-être quelques éléments d’appréciation non inutiles dans un problème important pour la science française dont vous êtes le lumineux et sage protecteur.

Elle ne date pas d’hier la question du transfert de l’Observatoire de Paris. Lorsqu’on se reporte à l’histoire, on voit qu’on en peut dire comme de la plupart des problèmes qui, hélas ! nous agitent : il n’y a pas de questions neuves, il n’y a que des gens neufs.

Pour ne pas remonter au Déluge, — je veux dire à la fondation même de l’Observatoire, qui n’est pas un des moindres titres de gloire de Louis XIV, — et pour nous borner aux événements postérieurs au milieu du siècle dernier, nous voyons qu’après la mort d’Arago (1853), Leverrier fut nommé directeur de l’Observatoire. C’était un terrible homme, mais un homme de génie que Leverrier. L’ostracisme dont il avait été l’objet, lorsqu’il découvrit Neptune par la seule puissance du calcul, de la part de certains des astronomes officiels, — dont il n’était pas à ce moment, — et les petites misères qu’on lui fit alors avaient irrité son caractère. Il y avait un peu de quoi : qu’on en juge. Lorsque Leverrier eut trouvé théoriquement la position de Neptune, ses rapports avec les autorités officielles de l’Observatoire étaient tels qu’il dut s’adresser à un astronome berlinois. Galle, pour vérifier la chose à la lunette. Et c’est ainsi que la planète Neptune fut d’abord découverte à Berlin !