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de France. Il ne s’agirait pas seulement de réserver des places individuelles aux savants des provinces, comme il est fait actuellement par trois des sections de l’Institut, mais, par exemple, de faire renaître la vieille « Alliance » des Académies régionales avec les Académies parisiennes.

Nous n’avons pas besoin d’écrire que les premières accueilleraient cette renaissance avec une grande joie. Elles conservent avec piété dans leurs fastes le souvenir de cette alliance. M. Ch. Vincens, l’historien de l’Académie de Marseille, écrit : « Le plus glorieux des privilèges dont jouissait notre Compagnie était sans contredit son affiliation, dès 1726, à l’Académie française qui remettait le jeton de présence à ceux de nos confrères députés aux séances publiques de l’illustre Compagnie. M. Guys fut le dernier membre de l’Académie de Marseille qui reçut cet honneur : à la séance du 13 mai 1771, il prit place à côté de Thomas et devant le prince de Rohan, qui fut le premier à le complimenter… » Et après avoir rappelé comment l’Académie française « a considéré comme caduc un droit qu’elle avait conféré de son plein gré et pour toujours, » l’historien ajoute : « Il serait cependant désirable que l’Académie française voulût bien entretenir quelques relations avec les Académies de province, ne serait-ce que pour les encourager et les appuyer dans leur mission si utile. » C’est l’expression même des vœux de toutes les Académies régionales. Et on sent que ce vœu ne s’adresse pas seulement à l’Académie française, mais à toutes les sections de l’Institut.

Ainsi pourrait s’établir, par le refleurissement et le développement d’une tradition séculaire, une organisation de la vie intellectuelle en France, avec le concours de tous les citoyens les plus éclairés, une sorte d’union de l’esprit, dévouée au meilleur rendement du travail de l’intelligence, et qui, au-dessus des passions politiques, trop habituelles aux démocraties, pourrait, aux heures de trouble ou de péril, faire entendre la haute voix de la conscience nationale.


C. M. SAVARIT.