Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/886

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lentement opérée dans les Académies ; elle y avait été pacifique, sa marche ayant été graduelle… Les Académies se régissaient déjà par la raison et l’égalité que la Révolution voulait introduire dans l’ordre politique. La philosophie du XVIIIe siècle et les tendances novatrices avaient pénétré dans ces compagnies ; chez quelques-unes, les novateurs dominaient. Plusieurs des hommes qui se mirent à la tête de la Révolution et qui l’avaient préparée davantage, soit par leurs écrits, soit par leurs actes, étaient académiciens… » C’était le temps où Voltaire, Duclos, Buffon, d’Alembert entraient successivement à l’Académie française.

Les Académies de province suivaient, et parfois précédaient ce mouvement. Dijon s’illustrait par ses fameux concours et bien d’autres académies n’étaient pas moins audacieuses. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’activité intellectuelle n’était pas concentrée à Paris comme elle le fut par la centralisation révolutionnaire et napoléonienne. « La France, écrit encore Maury, comptait un grand nombre de centres intellectuels, moins brillants sans doute que Paris, mais où se rencontraient pourtant aussi des hommes d’une véritable valeur. » Et Marmontel, qui, pendant sa direction du Mercure de France, s’était mis en relation avec toutes les Académies du royaume, remarquait : « Je m’étonnais quelquefois moi-même de la lumineuse étendue de ces questions qui de tous côtés nous venaient des provinces ; rien, selon moi, ne marquait mieux la direction, la tendance, les progrès de l’esprit public. »

Comment sont composées ces Académies si actives ? À côté des écrivains et des savants, — les Montesquieu, de Borda, Jacques de Romas, à Bordeaux, Fléchier, Boissy d’Anglas, Berthollet, à Nîmes, Maret, Guyton de Morveau, à Dijon, Pélisson, Campistron, à Toulouse, Turgot, à Limoges, le peintre Descamps, à Rouen, etc., — nous y voyons figurer les grands fonctionnaires, les grandes familles lettrées et savantes, les notabilités commerçantes et actives des cités. C’est ainsi qu’à Marseille, par exemple, à la fin du XVIIIe siècle, nous voyons, à l’Académie, Philippe de Girard, le célèbre inventeur de la machine à filer, et ses trois frères ; de 1733 à 1829, nous y trouvons trois Sinéty de Puylong ; et au commencement du XXe siècle, nous y retrouvons trois Rostand, dont le célèbre poète Edmond Rostand. À Bordeaux, nous notons les trois Bellet, les Garat, les Tourny, Bacalan, du