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Et c’est pourquoi les rares académies qui avaient accepté, à leur fondation, une classe privilégiée durent la supprimer rapidement. À Rouen, cette classe, celle des membres honoraires, dura douze ans (1744-1756). Il fallut que le fondateur de la compagnie, M. de Cideville, ami de Voltaire, donnât l’exemple d’abandonner son privilège, entraînant ainsi tous les « honoraires, » pour que la paix reparût au sein de cette Société.

Pourtant ces académies acceptent, quand elles ne la recherchent pas, la protection d’un grand personnage. L’État français, au temps du cardinal de Richelieu comme aujourd’hui, n’admet pas volontiers que des Sociétés puissantes, par le nombre ou par l’esprit et l’influence, se forment en dehors de son contrôle. Ces Sociétés elles-mêmes ne se décident pas facilement à vivre en suspectes, et elles reconnaissent volontiers les bienfaits d’une protection plus ou moins « éclairée. »

C’est ainsi qu’à la suite de l’Académie française, placée, quelques années après sa naissance, sous la haute protection, en 1635, de l’illustre cardinal, puis, en 1672, du Roi lui-même, nous voyons « l’Académie de Nîmes » se ranger, en août 1682, — presque dès sa fondation par le savant marquis de Péraud, — sous la protection du Roi, qui lui confère le titre d’ « Académie royale, » et accorde à ses membres « les honneurs, privilèges, facultés, franchises et libertés dont jouissent ceux de l’Académie française. »

L’Académie de Bordeaux se fonda en 1712 sous le « protectorat » du duc de la Force, gouverneur de la province, et avec les mêmes privilèges royaux. Les Académies du XVIIe siècle, celles de Caen (1652), Angers (1685), Castres, Arles et Soissons, — ces trois dernières ont entièrement disparu, — se constituèrent de même par lettres patentes de Louis XIV. Ce fut le prince de Condé qui devint, en 1732, le « protecteur » de l’Académie de la Rochelle. Le duc de Luxembourg, « pair et premier baron chrétien de France, gouverneur et lieutenant-général de notre province de Normandie, » protégea de même, en 1744, la formation de l’Académie de Rouen. À Nancy, en 1750, le haut protecteur fut le roi Stanislas, qui donna son nom à l’Académie. À Limoges (Société d’Agriculture, des Arts et des Sciences), le protecteur fut, en 1759, l’Intendant général du Limousin, Pajot de Marcheval, et en 1761, son illustre successeur Turgot ; à Metz, en 1760, ce fut le duc de Belle-Isle.

Presque toujours le fondateur réel est un écrivain, un lettré