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mener la vie d’une prostituée ? Sans aucun succès d’ailleurs, et puis elle finit lamentablement en s’empoisonnant le 13 mai comme la Torpille, ainsi qu’Il l’avait prédit.

François Buloz s’éprit de Meta Holdenis ; elle n’existait pas ? comme la fausse Esther, il l’inventa ; de cette fiction il fit une réalité, interrogea le romancier sur le compte de la charmante fille qui possédait tant de qualités féminines (même la fourberie), s’intéressa à son sort, tant et si bien qu’il lui semblait que Meta, punie de ses méfaits, dût vraiment souffrir de son châtiment.

Ernest Renan, qui connut cette extraordinaire aventure, la rappela à Victor Cherbuliez lorsqu’il le reçut à l’Académie : « François Buloz faillit se brouiller avec vous à cause du dénouement de Meta Holdenis. » Il rêvait une secrétaire pour la Revue toute pareille à cette jeune protestante, qui savait si bien écrire les lettres, lire le nom des astres, et faire les confitures. « Elle l’avait ensorcelé ; il ne parlait que de Meta. » Une jeune Allemande, instruite, semblable à elle, eût à son gré fort bien dirigé la Revue comme elle dirigeait la maison de M. Mauserre. « Nous l’avons échappé belle, » conclut Ernest Renan. Cette histoire n’est-elle pas vraiment divertissante ?


MARIE-LOUISE PAILLERON.