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Sand Mlle La Quintinie. Comme George Sand ressentait violemment les injures de Veuillot à l’égard des esprits indépendants et de la libre pensée, elle désira répondre dans son roman aux attaques de Veuillot. Chose remarquable : François Buloz l’en dissuada. Elle lui répliqua : « Je ferai mon possible pour me modérer et pour ne pas être trop Père Duchêne. Mais je lis le Parfum de Rome de M. Veuillot et il me semble que quand vingt fois dans son livre le cuistre vous nomme en toutes lettres, en vous traitant d’imbécile, nous avons bien le droit de répondre à toute cette séquelle que les imbéciles sont dans leur sale chemise, et qu’ils sont d’impudents cafards. Je vous assure qu’on perd son sang-froid à voir cette négation bête et grossière de tout progrès intellectuel et matériel dans l’humanité, — et de penser que tout cela rit, mange, fait une vie de polichinelle, crache sur la civilisation et triomphe en politique ! L’Empire n’avait pour se laver que cette lutte, et il l’abandonne !

Bonsoir… ne me découragez pas de me fâcher[1]. »

George Sand eût pu s’indigner aussi à la lecture des Satires, qui maltraitèrent François Buloz plus même que Gustave Planche ; sur le sujet du directeur de la Revue, Louis Veuillot est en effet intarissable ; le nom de François Buloz est constamment cité dans son livre, et je laisse à penser que ces rappels ne sont pas destinés à le couvrir de compliments ou de fleurs. Les plaisanteries du polémiste sont-elles divertissantes ?

Que l’on en juge :


Buloz de pommade et de glace
Fait ses puddings si ragoûtants,
J’ai cent fois mangé l’œuf qu’il casse…


Plus loin, dans une lettre intitulée : Lettre à un campagnard, Louis Veuillot consacre à son ennemi plusieurs strophes qui n’ont, disons-le, ni le mordant ni l’entrain des Satires de Barbier, — loin de là — mais qui sont parfois assez comiques :


Si tu voyais Buloz aux mamelles fécondes,
Buloz, le grand Buloz qui, depuis quarante ans.
Ouvre et ferme l’esprit public à deux battants,
Buloz qui, d’un seul œil, peut éclairer deux mondes,
Si tu voyais Buloz, tu connaîtrais le temps !

[2]

  1. Inédite.
  2. Satires, pages 182-183.