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Voyez la Revue du 1er janvier 1850 contenant le mémoire d’un écrivain russe très éloquent et les réflexions préliminaires de la Revue à ce sujet. Le titre seul en disait assez : La Papauté et la question romaine au point de vue de Saint-Pétersbourg. Mais le religieux écrivain de la Civiltà n’y regarde pas de si près ou n’a pas l’air de savoir lire notre langue… Du reste la Civiltà Cattolica est une ingrate personne, car on n’avait peut-être jamais parlé d’elle en France, lorsque nous lui avons consacré quelques pages, qui sont du moins polies, dans notre Annuaire. Nous n’avons pas sauvé le roi Louis-Philippe, dit-elle, mais avions-nous bien la mission et la puissance de sauver un gouvernement ? La Civiltà Cattolica aurait-elle pu sauver le Pape, lorsqu’il a dû s’enfuir de Rome ? pourrait-elle le protéger encore si l’armée française n’était plus là pour contenir l’esprit révolutionnaire ? Tout cela est bien peu sensé, et si vous lisiez la Revue, vous ne laisseriez pas imprimer de pareilles niaiseries dans l’Univers. À moins que vous ne vouliez me rappeler d’une façon aimable que je vous avais annoncé ma visite, et que je n’ai pas inséré votre Poème babylonien[1]… »

La lettre de François Buloz paraît avoir été vivement ressentie par Louis Veuillot :


« Mon cher monsieur,

Malgré mes dispositions très cordiales pour vous, je ne vous ai jamais laissé ignorer mon opinion sur la Revue, qui est celle que la Civiltà vient d’exprimer. La reproduction de l’article de la Civiltà n’est donc ni une trahison ni une vengeance. Je n’ai point d’engagement envers vous : quand je vous ai offert un article, je ne vous ai pas offert l’Univers et vous n’avez pas plus que moi-même entendu cela. Nos relations privées ne changent rien au fond des choses et nous nous donnons la main sans cesser d’être ce que nous sommes et défaire ce que nous faisons. Quant aux œuvres, nous ne sommes plus amis, tout au contraire… Vous ne me devez rien du tout, ni visite, ni autre chose, et moi je vous dois des remerciements… pour votre bonne critique du travail que vous avez refusé. Permettez-moi de vous dire que la pratique trop longue et trop exclusive du genre gendelettre vous trompe sur les autres hommes. Tous ceux qui écrivent

  1. Inédite.