Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/865

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remercier. Je ne veux pas vous laisser croire que j’ai été le moins du monde piqué de mon échec auprès de vous. Tout au contraire, je vous ai su grand gré de votre courtoisie, et j’ai profité autant que possible de vos critiques qui étaient toutes fort justes. Je ne vous offre point le morceau corrigé : je crois qu’il ne vous allait pas dans son fond. Mais j’ai du plaisir à vous témoigner ma reconnaissance pour m’avoir mis en voie de le rendre plus présentable, si l’envie me reprend de le présenter. »

Tout semblait donc au mieux, lorsque, le 30 avril 1857, l’Univers reproduisit un article de la Civiltà Cattolica fort agressif à l’égard de la Revue. Le directeur de la Revue s’en montra courroucé et trouva, à bon droit, le procédé discourtois et… suspect, venant après le refus du Poème babylonien. La Civiltà Cattolica attaquait ouvertement la Revue des Deux Mondes, accusait François Buloz d’orléanisme, ce qui n’est pas grave ; néanmoins, l’article tout entier, conçu en termes blessants, dut courroucer François Buloz. « La Revue en question aime à se croire et à se donner comme la plus sérieuse des publications qui paraissent en France, et ceux qui regardent la France comme le cœur de l’Europe… pourraient se persuader que cette Revue est la plus importante du monde civilisé… » disait la Civiltà Cattolica. Mais de quel orgueil est possédé ce M. Buloz ! Sérieux, ce recueil ? Si l’on considère le poids des articles, peut-être, car aucune Revue ne contient plus de feuillets, mais si « le sérieux consiste en la solidité de la doctrine et la maturité des jugements, » non. Voici par exemple M. Cousin, le chef de l’école éclectique française : eh bien ! lorsqu’il y collabore, « ce n’est guère que pour peindre Mme de Longueville ou d’autres héroïnes. Tels sont les sujets qu’un philosophe trouve à traiter dans la Revue des Deux Mondes ! » Manque de gravité dans le choix des matières, absence d’unité dans l’esprit qui préside à la rédaction, libéralisme en politique, indifférentisme en religion, « licence en ce qui touche la morale et les mœurs. »

Quoi ! La Revue est licencieuse ? Oui, affirme la Civiltà ; trop d’intrigues, d’amour dans les romans. « Voilà l’éternel sujet, l’immanquable ; » un peu plus de respect pour l’honnêteté des mœurs ne serait pas déplacé… Ce n’est pas le style qui choque, oh non ! quelle habileté ! mais « les galanteries de