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Veuillot est vive ; néanmoins, ce Mirecourt ne peut se défendre d’une certaine admiration devant le faste du polémiste religieux et note : « Jamais il ne dépensait moins de 10 francs à son dîner ! »

Louis Veuillot fut collaborateur de la Revue, en 1849 ; il y écrivit des Scènes sociales, et l’année suivante un dialogue quelque peu mystique. En 1857 cependant, Veuillot offrit un Poème babylonien qui ne plut pas au directeur de la Revue, il le retourna avec quelques observations à l’auteur ; celui-ci l’en remercia. Or, François Buloz avait par scrupule consulté Planche avant de rendre à Veuillot ce Poème babylonien. Planche en trouva les vers mauvais. Veuillot l’apprit plus tard, et sa rancune lui suggéra sans doute la Satire qu’il dédia à Gustave Planche mort. Mais cette Satire, disons-le tout de suite, est sans esprit et sans goût.


Discourons du héros qui vient de disparaître,
De ce Planche fameux. Il fut, dit-on, un maître
Et de plus, don très rare, il fut un vertueux…
…………
Si bien que Planche enfin se faisant enterrer,
Le Journal des Débats propose de pleurer,
Sitôt dit, sitôt fait, Jouraux de fondre en larmes ;
On narre longuement du défunt les faits d’armes,
Et comme il tint vingt ans la plume chez Buloz,
Sans se laver les mains, sans prendre de repos,
Il nettoyait son style et non pas sa personne.
…………
Oui, Planche aurait pu mordre au pâté Montyon.
S’il s’agit du talent, c’est une autre question.
Souvent dans le brouillard et jamais dans la nue,
Terre à terre, il filait sa phrase mal venue,
Il était rediseur, incorrect, sans esprit…
Il meurt. L’enthousiasme aussitôt monte à flots.
Et tout Paris pour Planche a les yeux de Buloz <[1].


Cependant, entre Veuillot et le directeur de la Revue, même après le refus du Poème babylonien, l’entente semblait presque cordiale ; la lettre suivante en fait foi :


« Mon cher monsieur,

Vous m’avez annoncé votre visite. Je l’attendais pour vous

  1. Louis Veuillot, Satires, page 107.