Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


On voit que le directeur de la Revue par le sans tendresse de ce qu’il appelle « la petite presse ; » il en voulait à cette presse, d’abord de lui enlever ses meilleurs rédacteurs : Sainte-Beuve, George Sand, About, etc., en second lieu de l’attaquer lui, François Buloz, si souvent et si violemment : témoin les batailles du Mousquetaire en 1855, dirigées par Alexandre Dumas père ; et voici que le Figaro bientôt se met, lui aussi, par la voix de Barbey d’Aurevilly, à l’invectiver, et à lui lancer « une diatribe en pleine poitrine. » — Pourquoi ? — pour rien. À moins que cet article vengeur ne soit l’expression d’une rancune déjà ancienne ? — François Buloz ayant repoussé jadis, à plusieurs reprises, la collaboration de Barbey. Il n’avait pas voulu de Une vieille maîtresse, ni de Brummel, refus fâcheux, soit dit en passant pour la Revue, surtout en ce qui concernait Brummel, sujet que John Lemoine traita en 1844[1], dans le même recueil. « C’est la vérité toujours, dit Barbey, qu’il rejeta aussi une nouvelle de moi intitulée Ricochets de conversation, Le dessous des cartes d’une partie de whist, laquelle aurait fait sauter les abonnés, — me dit M. de Mars, ce dieu de la guerre épouvanté, qui tenait à les conserver assis, ces abonnés, parce qu’ils sont alors plus commodément pour dormir, — mais qui, tout en refusant mes manuscrits, me tendit humblement son chapeau et me demanda une comédie. La comédie, lui dis-je, la voilà ! et je m’en allai pour ne plus revenir ![2] »

Comme jadis pour le Mousquetaire, François Buloz, qui ne « lit pas la petite presse, » a été avisé de l’attaque de Barbey par un ami. Il n’a d’ailleurs « pas lu davantage » après cet avertissement, et il a laissé à M. de Mars, son secrétaire, le soin de répondre… » du moins il le dit ; pour moi qui le connais, je suis convaincue qu’il a lu l’article, et la réponse de M. de Mars, ou même qu’il a personnellement écrit cette réponse.

J’ai parcouru dernièrement la suite de pamphlets que publia le Figaro à cette époque (car il y eut des réponses et des répliques) : rien n’est plus divertissant que la prose de Barbey, lorsque Barbey est en colère, et ici il est tout à fait en colère. Ce « premier Paris » est intitulé Monsieur Buloz tout simplement ;

  1. Voyez la Revue du 1er août 1844.
  2. Eugène Grêlé, Jules Barbey d’Aurevilly, sa vie, son œuvre. Caen, 1902.