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d’exception. » Quel romancier ne les préfère aux autres ? Le nôtre l’a noté : « Ce sont les minoritaires qui gouvernent le monde, et c’est pour cela que le monde a une histoire ; si la vraie majorité gouvernait, il ne se passerait jamais rien. » C’est pourquoi nous avons connu la perfide Meta Holdenis, Miss Rovel, charmant ouragan, et le terrible comte Kostia, avec ses sourcils en broussaille.

Le 15 février 1862, les notes d’André Cherbuliez enregistrent le départ de son fils pour Paris ; il se décide à aller affronter François Buloz : « Que résultera-t-il de ce voyage pour Fedor[1] et pour ses conditions d’entrée dans le grand monde ? » Le 23, il répond lui-même à cette question : « Voilà mon fils de retour à midi, contre toute attente, et son entrevue avec Buloz qu’il a eu la sagesse de demander et d’obtenir de samedi 11 heures (3 heures — 11 heures à 2 heures avec le déjeuner) a eu plein succès. Il aura cinq articles comme Mme Sand, et encore cinq à six feuilles de plus que le plus long roman d’elle dans la Revue… Victor approuve les corrections et changements proposés par Buloz et qu’il a dû accepter.

« 13 mars. — Hier et aujourd’hui, Victor et moi nous nous occuperons ensemble de son travail de réduction du roman pour le numéro du 1er avril. Contre mon attente et mes craintes, l’ouvrage y perdra moins qu’il n’y gagnera. Le contentement que mon fils goûte à ce travail ingrat, et la satisfaction qu’il trouve à ce que j’y prends ma petite part, m’est une joie…[2]. »

Le Comte Kostia parut peu de temps après le remaniement, et ce fut encore François Buloz qui traita avec Michel Lévy pour son impression[3], puis avec Hachette.

Le Comte Kostia plut, sauf les dernières parties qui furent critiquées. George Sand, du fond de son Berri, envoie à François Buloz son opinion tout de go : « Les quatre numéros du Comte Kostia m’ont énormément amusée ; c’est vif, c’est original, dramatique, et d’une forme très saisissante. Mais la fin n’est

  1. Titre primitif du Comte Kostia.
  2. Inédits.
  3. « Je reviens à Ronjoux, et je vous écris un mot de Buloz pour vous dire que j’ai traité avec Lévy pour la réimpression du Comte Kostia. Lévy tirera à 3 000 et vous donnera 1 200 francs, c’est-à-dire 40 centimes par volume. J’ai vivement combattu pour vos intérêts, car Lévy ne donne ordinairement que 30 centimes par volume ; j’ai fait valoir votre succès et votre avenir et je l’ai emporté. » (2 juillet 1862, inédite.) Plus tard, la maison Hachette sollicita l’impression du livre dans les mêmes conditions.