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dans l’ordre, en se donnant un désaveu commandé par la conscience. Mais n’y avait-il pas dans leur première erreur la preuve qu’ils avaient manqué de clairvoyance ou de courage, et comme une indication qu’ils pouvaient en manquer encore ? Il faut toujours s’attendre à trouver dans une vaste corporation des esprits incertains, versatiles, qu’une impressionnabilité maladive promène de résolution en résolution, qui n’arrivent pas à savoir ce qu’ils veulent et à s’y tenir. Tel fut le cas de Pinsart, curé de Lestieux, et de plusieurs prêtres dans le canton de Vic-sur-Aisne. Là et ailleurs, des rétractations déjà faites sont rétractées elles-mêmes sur l’insistance des familles, des paroissiens, des autorités. Baudiet, curé de Florent, a transcrit la sienne sur ses registres paroissiaux. Il la fait « sans crainte de punition ou de mort, car, ajoute-t-il, j’en souffrirais plutôt mille que de trahir ma religion. » O faiblesse humaine ! cette belle ardeur ne dure pas ; il revient sur sa détermination.

Dans un autre département, nous recueillons cette plainte : « Les bons citoyens se trouvent aujourd’hui consternés ; ils ne savent plus quel chemin tenir en voyant celui qui doit, ou plutôt qui devrait les conduire, varier à chaque moment. Le sieur de Gardes, notre curé, après la lecture du mandement de Marolles, avait persuadé aux habitants de Haution qu’il s’était trompé en refusant le serment ; plus tard, il s’est accusé d’avoir semé l’hérésie dans sa paroisse ; plus tard, il a demandé pardon à ses paroissiens et a fait réparation. »

De telles instabilités étaient rares. En général, les rétractants furent fermes, et ils furent légion. Les administrations se préoccupèrent de ces désertions qui menaçaient de désagréger l’armée constitutionnelle. Les rétractations sont particulièrement nombreuses à la fin de 1791. La Constituante avait été la première à en manifester sa mauvaise humeur. Dès les lendemain et surlendemain de la fameuse séance du 4 janvier 1790, plus de vingt prêtres de l’Assemblée se rétractèrent. On repoussa leur déclaration. Un des secrétaires la jeta même à la figure d’un député qui venait la déposer sur les bureaux. La Constituante punira les récalcitrants par la déposition et la suspension du traitement.

Les autorités poussent des cris d’alarme. « Dans tous les districts, écrit le procureur de Sainte-Menehould, les rétractations se multiplient au point qu’on manquera de sujets pour les remplacements. »