Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je me rappellerai que vous avez été mon premier conducteur dans l’exercice de mon ministère, et que j’y aurais peut-être commis de plus grandes fautes, si je ne vous avais pas eu pour modèle ; mais puissé-je aujourd’hui devenir le vôtre, et avoir la consolation d’apprendre que la lettre que je viens d’écrire à M. le maire de Paris a fait quelque impression sur vous ! Il vient un temps où toutes nos illusions se dissipent, et nous plongent dans le plus terrible désespoir. Vous avez des vertus et toutes les qualités pastorales ; mais pouvez-vous vous en servir à précipiter vous-même vos ouailles dans l’abime de l’erreur et à vous y plonger avec elles ? Si cæcus cæco ducatum præstet, ambo in foveam cadunt. C’est avec les larmes aux yeux que je vous écris ; puissiez-vous un jour servir à les essuyer. »

Suit la lettre adressée au maire. Le repentant y déclare que « tous les remparts de la philosophie sont incapables de servir d’abri à une âme vraiment chrétienne. » Il prévoit qu’on prendra sa déclaration en pitié ; mais, dit-il, j’ai donné un tel scandale à l’Eglise que je ne connais pas d’humiliation à réparer ma faute. » Il expose les raisons de sa passagère erreur ; mais il a réfléchi : « Il m’est impossible, s’écrie-t-il, de résister plus longtemps au cri de ma conscience ». C’est avec déchirement qu’il va quitter une paroisse où il est aimé et qu’il a aimée. Outre la séparation, « il ne reste, ajoute-t-il, d’autre perspective que la misère et l’indigence ; mais j’aurai toujours pour consolation Dieu et ma conscience ; et quand je serais obligé de sacrifier ma vie, je la donnerais volontiers pour sceller de mon sang la vérité que je professe. Heureux si je pouvais montrer par là la vivacité de ma foi, et servir de guide à ceux que mon exemple aurait pu précipiter dans le schisme. »

Ces rétractations étaient sincères. Elles semblaient irrévocables. Afin de réparer le scandale, elles étaient faites parfois en pleine église, là même où avait été prêté le serment. Les rétractants voulaient qu’elles fussent publiques, authentiques, incontestables. Tel d’entre eux insère sa déclaration dans les registres paroissiaux. D’autres, comme le curé d’Herpont, la font signifier par huissier au procureur-syndic. Le curé de Longchamp en fait dresser acte par deux notaires de Guise.

C’était se prémunir contre toute dénégation par autrui d’un acte si grave. N’était-ce point aussi, chez quelques-uns, se prémunir contre soi-même ? Les repentis s’honoraient en rentrant