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fasse rentrer dans le néant. » Encore y avait-il peut-être dans cette fanfaronnade le cri d’une conscience agitée qui cherchait à se rassurer par ce défi porté contre elle-même. Mais tous les jureurs n’étaient pas si déterminés. L’Eglise constitutionnelle, qui a son extrême gauche, sa gauche, a aussi son centre, disons même sa droite, qui n’est pas insensible aux leçons des événements et aux réveils de la conscience. L’expérience, en semant les désillusions, favorise les retours. La politique, qui a entraîné tant de constitutionnels, les abandonne maintenant et les dépouille. Leur Eglise s’est déconsidérée par trop d’apostasies, trop de scandales. Les meilleurs sentent que la vérité doit être là où est l’honneur. Ils se demandent s’ils ne se sont pas trompés. Les supérieurs légitimes le leur déclarent, et les pressent de rentrer dans l’unité. Il y a là une masse flottante, dont la première décision n’est pas sans appel, et qu’on peut reconquérir. Nous assistons dès lors à une des phases les plus intéressantes de cette lutte, aux rétractations d’une foule d’assermentés. Elles sont attachantes, parce qu’aucun motif humain ne les inspire, parce qu’il y a péril, parce qu’elles sont un acte, non de lâcheté, mais de courage.

Les archives ont recueilli en très grand nombre ces déclarations où l’homme, qui s’est trompé, ou qui a failli, avoue, répare son erreur ou sa faute. Surpris par une mise en demeure qui ne lui a pas laissé le temps de réfléchir ou de s’éclaircir, dominé, peut-être à son insu, par les illusions, les sophismes, les craintes, l’âge, les attaches humaines qui lui ont inculqué une impression passagère, il a laissé échapper plus qu’il n’a proféré son serment. Mais vient la réflexion, avec la réflexion le doute, lequel ne tarde pas à faire place à la crainte, bientôt à la certitude de s’être trompé. Les lettres, les condamnations des évêques et du pape lui apportent peu à peu l’argument suprême de l’autorité, toujours si puissant sur ceux qui veulent rester catholiques. Les fausses nouvelles de la prestation en masse du serment dans toute la France sont démenties. La marche de l’Eglise constitutionnelle n’est pas faite pour lui conquérir ou lui garder des adhérents. La conscience un moment vaincue se ressaisit, reprend la lutte et excite le remords. Dans cette fermentation confuse de sentiments contraires, de foi et de passions, s’élabore peu à peu un nouvel homme, et ce sera, par un dernier effort de la volonté