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phrases entrecoupées d’incidentes, où ils s’efforcent de concilier la loi et la conscience. Ils allongent la formule dont ils diluent le venin dans des prologues, des explications. Ils glissent telle ligne d’apparence inoffensive qui rassure leur foi. Ils ne voudraient pas la trahir, mais ils voudraient ne pas partir. De là ces ruses de rédaction, qui ne semblent pas dire non, sans dire oui. Le curé de Morteau fit devant ses paroissiens la déclaration suivante : « Je donne au serment que me commande la nation, toute l’extension que m’autorise à lui donner la religion que je professe, toute l’extension d’un serment qui serait fait purement et simplement. » Guillemot, curé de Liathelles, a prêté le « serment d’un bon patriote, d’un bon catholique, » se faisant un devoir de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. « Par conséquent la colonne où vous devez me placer, dit-il, est celle des bons citoyens », où « j’ai à cœur de me trouver. » Cette déclaration sera-t-elle acceptée ? Non. Le district met au-dessous la note : déchu, à remplacer. — Et cette formule de Robert, curé de Vincelles : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de ma paroisse, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. » C’est bien ; mais l’imprudent timoré ajoute : « Et par suite nécessaire de ma fidélité à remplir mes devoirs envers mes paroissiens, je jure aussi, pour l’acquit de ma conscience, de demeurer toujours fidèle en matière spirituelle, au Saint-Siège et à l’Église. » Il n’échappera pas à la note : déchu et à remplacer. — Lablanche. curé de Bignicourt-sur-Saulx, a plus de chance. « Vous savez, dit-il, que j’ai déjà plusieurs fois, en ma qualité de citoyen actif, de maire, de président de la première assemblée primaire, et enfin à l’époque de la Fédération, fait serment d’être fidèle. Mais, comme pasteur, je dois montrer le même zèle pour la cause de Dieu, et je déclare hautement que je serai toujours fidèle à la foi de nos pères, et à la religion catholique, apostolique et romaine, dont j’ai le bonheur d’être ministre... Il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César... C’est dans ce sentiment que je jure... » Ce serment fut accepté malgré le préambule, peut-être en souvenir des fonctions de maire, de président d’assemblée électorale remplies par ce curé. Voici une restriction sur laquelle la casuistique va particulièrement s’exercer. Dans le district de Besançon, dix-neuf