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L’impression qui se dégage de la tenue des foules accourues au temple pour assister à un spectacle d’un nouveau genre, c’est qu’obéissant à un mot d’ordre officiel ou à leurs idées, elles ne cachaient pas leur préférence pour le serment. Au besoin, le parti avancé avait eu soin de remplir l’église et de préparer l’opinion. Manifestement, les prêtres décidés à ne pas le prêter trouvaient dans le fait même d’avoir à le déclarer devant une telle assistance, avec un surcroît d’épreuve, le besoin d’un surcroit de détermination et de courage. Le moyen d’éviter l’épreuve, c’était de ne pas l’affronter, de ne pas comparaître. Mais les autorités sauront retrouver les absents, les délinquants.


III

Nombre d’intéressés, devant la pression et les menaces dont ils étaient l’objet, devant les sacrifices immenses que le serment entraînait à sa suite, essayèrent de concilier par des réserves les exigences de la loi et celles de la conscience. N’était-ce pas se montrer de la sorte bon citoyen et bon prêtre ? Cette formule ainsi adaptée était bien tentante. Elle fut employée si fréquemment que l’Assemblée nationale porta, le 17 février 1791, un décret pour la prohiber ! Vaine défense. Fort nombreux furent les serments restrictifs. D’aucuns étaient très nets. Ils affirmaient la soumission aux lois dans l’ordre temporel, la soumission à l’Eglise dans l’ordre spirituel. On aime la crânerie de ces paroles graves, prononcées devant ses paroissiens par Petitcolas, curé de Courchapan : « Etant septuagénaire, et à la quarante-quatrième année révolue que je suis parmi vous... , sur le point... de comparaître au tribunal du souverain pasteur et du souverain juge... , je vais faire mon serment comme je souhaiterais l’avoir fait à l’heure de ma mort, au moment d’être cité au tribunal qui décidera de mon éternité. En présence de la municipalité et de toute la paroisse dûment avertie pour être, en plus grand nombre possible, témoin de mes dernières volontés : Je jure... » Suit le serment restrictif.

A côté de ces déclarations claires, dont la signification nette est un refus, on relève des réponses moins affirmatives, mais plus humaines, dans lesquelles les malheureux curés, désireux d’éviter leur révocation et ses terribles conséquences, ne voulant point par ailleurs manquer au devoir, emploient des