Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/830

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne laisser apparaître que le citoyen, le citoyen de la Révolution.

A Verneuil-le-Haut, j’entends le maire faire après la messe un discours au curé et lui poser nettement la question : « Jurez-vous ? » Celui-ci répond : « Je le jure. » A Sézanne le maire Prieur félicite séance tenante, du banc d’œuvre, les prêtres de la paroisse de leur obéissance à la loi. Les victoires des autorités ne sont pas partout aussi faciles. La municipalité d’Ornans a appris que le pasteur et ses vicaires doivent s’expliquer le dimanche 23 janvier. Le curé Outhenin, vénéré des fidèles, en plus membre du directoire, eût été de bonne prise. Craignant avec raison une réponse négative devant toute la paroisse, le maire fait dire au clergé que légalement le serment doit être prêté après la messe et non au prône. Comme le curé est monté en chaire après l’Evangile, le procureur syndic de la commune s’avance à son tour vers lui et lui rappelle la même prescription. Le curé répond qu’il s’expliquera une seconde fois à la fin de la messe, et il fait tout de suite un serment restrictif pour le spirituel. Les deux vicaires l’imitent. Avant le dernier évangile, le curé, se tournant vers les fidèles, annonce qu’il va réitérer son serment. Le procureur de la commune s’approche de nouveau pour réclamer un serment pur et simple. Le clergé ayant maintenu les termes de sa déclaration, la municipalité se retire, et transmet le serment au district de Baume, qui le qualifie de « sanguinaire. »

Les administrateurs ne se contentent pas de veiller sur le serment. Ils sont ou se croient grands clercs en fait de liturgie et d’observance cultuelle. Dans le district de Sézanne, le procureur-syndic invite le curé de Saint-Denis et de Notre-Dame à oublier au prône la permission d’user de lait, de beurre et d’œufs pendant le Carême de 1791, ce qu’ils n’avaient osé faire à cause de la modification des circonscriptions. Le maire de Notre-Dame, s’étonnant du silence du curé, annonce du banc d’œuvre aux fidèles qu’ils n’ont plus à fêter le lendemain saint Savinien et peuvent travailler ce jour-là la paroisse étant passée du calendrier de Troyes à celui de Reims, qui ne parle pas de cette fête.

Mais la question du serment cause aux maires de plus graves soucis. Je les aperçois au banc d’œuvre ouvrant l’œil et tendant l’oreille, pendant que le patient fait en chaire sa confession publique. Ils font bien de regarder. Que voient-ils çà et là