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de traitement. Dorizy, syndic du district de Vitry, est particulièrement actif et heureux. Il se vante dans sa correspondance d’avoir gagné les curés Lapierre, de Favresse, Pomel, de Trois-Fontaines, Salleron, de Bignicourt-sur-Marne, Bardet, de Vernancourt, Desprez, de Sermaize, et son frère, vicaire. Desprez ne veut toucher son traitement qu’après que les membres du district auront vu la raison de son adhésion ; car il rougirait, dit-il, d’être rangé parmi ceux quorum Deus venter est. Le syndic, qui a décidé le curé de Bassu à rétracter toute restriction et à prêter un serment pur et simple, a été moins heureux auprès de Hubert, curé de Norrois, lequel est resté inflexible malgré une visite personnelle. Autre échec : Dorizy avait écrit au sujet de Buret, curé de Possesse : Sa « façon de penser est si chancelante que je ne désespère pas de recevoir de lui une nouvelle rétractation. » Il se trompait. Buret resta ferme. En revanche, Dorizy apprend avec joie que le curé de Sermaize sort de chez Bardet, curé de Vernancourt, qu’il a décidé à abandonner ses réserves. Quelle sollicitude, quels apôtres de la constitution civile que ces syndics !

Les maires ne sont pas moins attentifs. Dans le nombre, il y a de braves gens qui mettent de la bienveillance à exécuter la consigne. Celui de Frignicourt a été au presbytère demander à son curé, qui était rentré très tard, quand il prêterait le serment. Celui-ci répondit qu’il s’expliquerait le lendemain à la messe. C’est ce qu’il fit en disant que, si on se contentait du serment fait par Mgr de Clermont-Tonnerre, il le prêterait. Le maire en informe le procureur syndic et ajoute : « Je laisse à votre sagesse d’agir avec toute la modération possible, pour nous conserver un aussi célèbre pasteur, adoré et chéri de tous ses paroissiens. Cette perte serait irréparable. » Le maire d’Esternay, « par respect pour le lieu saint, » n’a pas osé interpeller le curé en pleine église.

Nombre de ces magistrats, restés chrétiens, entretenant avec leurs curés des rapports anciens et affectueux, désiraient les conserver. Plusieurs le prouvèrent en s’efforçant de faire agréer des serments qui ne répondaient pas à la lettre de la loi, mais lo plus grand nombre l’exécute avec ponctualité, souvent avec rigueur. Chez eux, l’investiture officielle, la gloire de remplir un mandat en quelque sorte national, firent trop souvent taire les sentiments de l’homme, du paroissien, même de l’ami, pour