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l’adhésion à la constitution civile. Son vicaire l’interrompt : « Monsieur le Curé, ce n’est pas là ce que vous me disiez encore hier au soir. » A Saint-Clément de Craon, le curé ayant prêté serment du haut de la chaire, son second vicaire, se tournant vers l’auditoire, s’écria : « Vous venez d’entendre le schisme s’établir ; que tous ceux qui sont attachés à l’Eglise me suivent. » Il sortit avec le plus grand nombre des fidèles.

Ces rappels à l’honneur faits par des vicaires aux curés furent rares. C’est l’inverse qui était dans l’ordre. Nous aurions à citer, dans tous les diocèses, de fières déclarations de dédain pour toute compromission d’intérêt. Certains curés auxquels on a payé le premier trimestre de l’année 1791 poussent la délicatesse jusqu’à le renvoyer à l’autorité, craignant que l’acceptation puisse mettre en doute la décision qu’ils ont prise.

Les cœurs, les intérêts se sont fait entendre. Voici qu’intervient l’autorité, ou plutôt les autorités. Ces autorités ne sont pas lointaines, elles sont proches. Elles s’appellent M. le procureur syndic, M. le maire. Quelle place ces deux personnages vont tenir dans la prestation du serment !

On a pu remarquer que le civil en prend à son aise avec les églises sous la Révolution. A travers les siècles, les fidèles les avaient considérées comme la maison de Dieu, un peu aussi comme la leur, tant les circonstances de leur existence individuelle, familiale et nationale, avaient leur répercussion dans le temple. Au moment de la Révolution, bien que la foi ait baissé, l’église apparaît encore comme le bien de tous, et pour tout, pour le temporel comme pour le spirituel, pour la politique comme pour la religion. Depuis 1789, presque toutes les réunions électorales se sont tenues dans les églises, dans les couvents. On va continuer, mais maintenant l’invasion du temple prend un caractère nouveau et menaçant. Un laïc y entre en maître, et c’est pour s’immiscer dans la question religieuse. Il s’appelle M. le maire. Il vient pour faire comparaître le curé du lieu, et cela publiquement, à tel jour, à telle heure, pour l’interpeller, pour prononcer sur son sort, pour décider s’il sera maintenu ou révoqué. A cet effet, du banc d’œuvre, il prend la parole. Il la prend dans ce sanctuaire où le ministre de Dieu a seul le droit de se faire entendre. Il le questionne là-haut, dans cette chaire où le prêtre a si souvent parlé en docteur, où il est maintenant mandé, enquêté et jugé.