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non seulement de la foule, mais souvent de leurs amis et même de leur propre famille. Beaucoup de prêtres se recrutaient avant la Révolution dans la bourgeoisie. Cette origine même les apparentait fréquemment avec les maires, les magistrats, les avocats, les conseillers généraux, les juges de paix, les procureurs syndics, administrateurs divers, tous mêlés au fonctionnement de la chose publique, et acquis par leurs fonctions mêmes, par le manque d’information théologique, à la loi votée par la Constituante. En dehors de toute préoccupation administrative, dans le cercle intime des affections de famille, quelle insistance les prêtres allaient trouver chez leurs proches en faveur du serment à la constitution civile !

Telle nous apparaît la situation. Véritablement l’épreuve imposée au clergé était bien grave. Il est toujours dangereux de mettre des milliers d’hommes en demeure de bouleverser leur existence. Quelle secousse allait donner aux hésitants le vent qui soufflait sur la France ! La Constituante, par ses innovations, posait des points d’interrogation qui dépassaient la portée ordinaire d’un serment. C’est une imprudence de renverser tout d’un coup les traditions, les règles, les autorités qui dirigent, qui protègent des milliers d’hommes et sont comme une garde d’honneur autour de leur vie. On peut être tenté de la recommencer dans une autre voie quand elle n’a pas tenu ce qu’elle avait promis, et ce recommencement est plein de périls.

La Révolution soumettait un corps immense à une pression qui était un appel à la défection. Nombre d’existences qui se seraient écoulées calmes, irréprochables, en temps ordinaire, vont chanceler, nombre de prêtres vont faillir, dont la chute étonnera d’autant plus qu’ils avaient jusqu’alors édifié par leur conduite. N’avait-on pas prononcé le mot d’ange de Lydda, — ange déchu, — au sujet du futur évêque constitutionnel de Paris, Gobel, lequel d’ailleurs n’avait pas été un ange ? D’autres défections ne seront pas moins surprenantes.


I

C’est dans ce cours des événements, dans cet état des esprits que la partie va se jouer.

Le temps est venu de conclure. On touche au dernier délai de la prestation du serment. Les jours qui précèdent ont été des