vision de la prison et même de l’échafaud : il y avait là une perspective capable de déconcerter des volontés affaiblies par le temps.
Enfin, à la catégorie des sujets accessibles à la tentation, il fallait joindre les esprits hésitants, mobiles, les caractères faibles, prêts à subir l’influence des confrères ralliés au serment, et plus souvent encore des autorités civiles, dont la pression fut extrême.
C’est dans cette situation complexe que les curés vont voter. Leur décision sera grave, grave pour eux, grave pour leurs ouailles sensibles à leur exemple et à leur conseil. Les évêques sont loin, le pape plus loin encore. L’humble pasteur est proche et écouté. On peut dire que les curés, laissés dans l’ombre sous l’ancien régime, vont avoir une grande part dans le sort de l’Eglise de France. Certes les évêques, par leur doctrine et leur conduite, leur montrent la voie à suivre, mais la prendront-ils ? Sans la ferme attitude de l’épiscopat, les curés, moins éclairés, plus entraînés, auraient fléchi. Sans le concours des curés, en majorité restés fidèles ou rétractés, les campagnes auraient fléchi à leur tour.
La question du serment était bien complexe pour eux. Le silence du pape, l’approbation du roi, étaient loin d’être un argument contre la constitution civile. Elle paraissait emprunter aux premiers siècles chrétiens des usages et une discipline qu’on trouvait trop abandonnés. Pour le présent, elle libère l’Eglise de France d’abus criants, de privilèges d’une caste qui s’attribue tous les revenus et tous les honneurs. Par ailleurs, pourquoi prendre ombrage de l’intervention du pouvoir civil dans une question intéressant la religion ? Les rois de France, par leur impulsion propre et à la demande même du clergé, ne se sont-ils pas occupés durant des siècles des choses d’Eglise ?
Enfin quels bouleversements entraînera la résistance à la loi nouvelle ! Les prêtres opposants vont paraître rompre avec la Révolution. Or les curés l’ont acclamée. Ils ont tressailli avec leur peuple en 1789, aux noms d’Etats généraux, de liberté, d’égalité. Les fautes, les destructions de la Constituante n’ont pas beaucoup refroidi leur enthousiasme. Ils ont aimé la Révolution, et la Révolution semble les aimer encore. Dans la constitution civile elle-même, n’a-t-elle pas prouvé sa sollicitude à leur égard, en croyant élever leur traitement d’ancien régime,