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En fait de drame, il ne peut être question des prêtres dont l’acquiescement donné d’avance ne comportait pas de combat. Parmi ceux-là il faut compter les réguliers ou les séculiers qui aspiraient au changement, qui avaient été touchés par la philosophie du XVIIIe siècle, qui jugeaient trop lourd le poids des obligations de leur état. L’occasion se présentait de l’alléger ou de s’en décharger. La Révolution trouva le clergé secondaire irréprochable dans son ensemble ; mais il n’était pas possible que, dans une corporation aussi nombreuse, il ne se rencontrât pas des tièdes, des découragés, qu’un relâchement partiel, excité maintenant par le vent d’émancipation universelle qui soufflait sur la France, préparait à des défaillances.

Plus nombreux sera le camp des politiques, des ambitieux, qui ont donné tête baissée dans la Révolution, qui l’ont faite leur tout entière, et qui ne voudront pas séparer leur destinée de la sienne. On les connaît. Dès 1789 et depuis, ils se démènent, font de la propagande chez leurs confrères, dans les assemblées électorales, déjà dans les clubs, à l’église même, par la parole et par la plume. A les voir à l’œuvre, à les entendre, on peut dès aujourd’hui les ranger parmi les fidèles et même les apôtres de la constitution civile.

Mais, en dehors de ces exaltés que rien n’arrêtera, n’oublions pas que tout le monde fait de la politique depuis 1789, que tous les curés, dès le début, ont obéi au mouvement qui emporte la nation. Ils ont nommé pour les représenter des députés de leur rang, le plus souvent des curés, et du fond de leurs presbytères ils se sont associés à leurs votes, ainsi qu’aux créations, parfois aux destructions de la Constituante. C’est à cette masse que se pose la question du serment. Vont-ils pour la première fois se mettre en opposition avec cette Assemblée, qu’ils ont tant contribué à créer, qui n’a jamais connu un obstacle à sa volonté et qui ne reculera pas ?

La politique prépare des adhérents à la constitution civile. L’âge aura aussi son influence. Il ne semble pas que la jeunesse ait cédé à l’emballement particulier qu’on pouvait craindre. La vieillesse compta des capitulations que les années expliquent. Recevoir signification à soixante, à soixante-dix ans, d’avoir à prêter serment sous peine de destitution, d’expulsion, finalement de déportation, tout quitter pour aller au loin, à l’étranger, infirme et sans argent, ou bien rester en France avec la