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UN DRAME DE CONSCIENCE
SOUS LA RÉVOLUTION

Il ne s’agit pas, dans ces pages, de faire l’histoire du serment à la constitution civile du clergé de France pendant la Révolution. Elle a été souvent écrite. Je voudrais aborder un sujet d’ordre plus intime, essayer d’entrer dans l’âme de ceux qui furent sommés de le prêter, et dégager, retracer, le combat qui se livra dans leurs délibérations et leurs résolutions. Il y a là place pour la psychologie. Ce fut vraiment un drame de conscience.

Pour nous en convaincre, plaçons-nous dans le temps et les circonstances où devait être prononcé le serment. Le décret de la Constituante, en date du 8 juillet 1790, prescrivait aux évêques, vicaires généraux, curés, vicaires, professeurs de séminaire et de collège, à tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, de prêter le serment dans la huitaine. Ce devait être un dimanche, à l’issue de la messe dans les églises cathédrales et paroissiales, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ordre de faire connaître leur intention deux jours d’avance au greffe de la municipalité. Ceux d’entre eux qui n’avaient pas obéi, étaient censés avoir renoncé à leur charge et remplacés. Huit jours après l’expiration du délai, le maire avait ordre de les dénoncer pour refus de serment au procureur général du département, ou au procureur syndic du district. On avait choisi le dimanche, ou un jour de fête, et la grand messe, pour faire de cette prestation du serment un véritable et émouvant spectacle. Il s’agissait d’impressionner le répondant, on pourrait dire le patient, par l’apparat de la scène.