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Ce n’est que le début des fêtes. Le Roi a promis d’assister à la commémoration qui doit se tenir au Palazzo Vecchio. Comme personne au monde n’est plus simple que ce roi démocrate, qui, pendant la guerre, a voulu vivre en soldat parmi les soldats, et qui ne consent à être aujourd’hui que le premier des citoyens, détestant le faste et les cérémonies, sa venue est un événement. On l’attend dans le salon du Cinquecento, décor fait à souhait pour les fêtes grandioses ; les fresques de Vasari, les lourdes tapisseries, les statues colossales, l’ampleur des voûtes, conviendraient mal à un public clairsemé et à des cérémonies médiocres. Dans le fond, sur l’estrade drapée de rouge, derrière le trône qui attend Sa Majesté, on voit le drapeau de Ravenne, et le drapeau de Florence, entouré des hommes d’armes et du héraut de la ville. Ceux-ci, dans leur pittoresque costume, dont la double note est l’écarlate et le blanc, ne ressemblent pas le moins du monde à des figurants de théâtre, tant leur naturel est parfait ; au contraire, on dirait qu’ils portent leur habit de tous les jours. Autour du drapeau de Rome les varlets de la ville Éternelle font éclater dans leur costume dessiné par Michel-Ange la pourpre et l’or.

Le Roi est accueilli par une ovation. Pendant plusieurs minutes, il salue la foule qui l’acclame et promène sur elle son clair regard. Ils ne sont pas sans portée, ces applaudissements qui insistent et ne veulent pas finir ; ils traduisent la reconnaissance que l’on professe au souverain qui a gagné la guerre et la confiance qu’on lui fait pour l’avenir de l’Italie. Héritier d’une tradition illustre, il n’a pas failli à sa tâche, il a conduit le pays jusqu’à l’accomplissement de ses glorieuses destinées. Je notais l’autre jour les aigreurs et les amertumes ; je note aujourd’hui, dans cette manifestation de l’élite, la force vibrante du sentiment national. Il ne s’agit pas d’applaudissements officiels ; une émotion étreint les cœurs. Au reste, la présence du Roi n’entraine pas avec elle de grands scrupules d’étiquette ; les allures et les mises sont aussi libres que la veille. La cérémonie est simple et de noble allure.

Les festivités se poursuivent pendant plusieurs jours ; elles comprennent même un cortège historique, qui représente le retour victorieux des Florentins, Dante avec eux, après la bataille de Campaldino, l’an de grâce 1289. -Des fenêtres du Consulat de France, où M. C... C... , qui remplit ses fonctions