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NOTES
SUR
L’ITALIE NOUVELLE

I
IMPRESSIONS DE TOSCANE


Modane, 25 août 1921.

Je ne revois jamais sans éprouver une joie puérile et naïve la casquette rouge du premier chef de gare italien ; elle est pour moi le symbole de la terre promise. Mais cette fois, de l’anxiété se mêle à mon plaisir. L’Italie, comment vais-je la retrouver ? Je n’y suis pas venu depuis la guerre : quel a été l’effet de la guerre sur ce peuple si nerveux, si sensible ?

Je ferai comme à l’ordinaire : j’irai retrouver mes amis, qui sont de deux espèces : les lieux et les hommes. De quelques paysages, de quelques palais, de quelques églises j’ai fait mon domaine ; je les ai pris pour mon usage. J’aime mieux les revoir que d’en aller chercher d’autres, fussent-ils plus vantés ; les revoir et les revoir encore. Sinon, je leur serais infidèle ; je les trahirais ; je ne me sentirais plus chez moi. Et puis, j’ai quelques amis qui ne s’étonnent jamais de me savoir là quand je frappe à leur porte. Ils me disent : Te voilà donc ! et ils reprennent la conversation comme si nous nous étions quittés le matin. Autant ils sont fermés devant des inconnus, s’entourant aussitôt, comme d’un rempart, d’une politesse infranchissable, autant ils se montrent faciles et ouverts, quand ils ont une fois donné leur confiance. Grâce à eux, je n’en suis plus réduit aux façades des maisons et aux portiers des hôtels, comme à mes premiers voyages. Mes amis seront mes guides, à travers l’âme renouvelée de leur pays.